

Salman Rushdie publie "Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits", fable contemporaine sur notre société dominée par l'idéologie. L'écrivain s'exprime avec humour et gravité sur l'islamophobie, la sexualité, le fanatisme et la liberté d'expression.
- Salman Rushdie Ecrivain
Guillaume Erner et Sylvain Bourmeau s'entretiennent avec Salman Rushdie à l'occasion de la parution aux éditions Actes Sud de son roman Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, un conte aux motifs contemporains dans lequel l’écrivain britannique d'origine indienne critique malicieusement une époque qu’il juge anesthésiée par le retour du religieux.
Guillaume Erner : Ce retour du religieux était-il prévisible il y a trente ans ?
Salman Rushdie : Non, ce phénomène est l’une des plus grandes surprises de ma vie. Je suis presque un soixante-huitard, j’avais 21 ans en 1968, même si j'ai choisi de terminer mes examens au Royaume-Uni cette année-là plutôt que de monter sur les barricades. Mais si, il y a 50 ans, vous m’aviez demandé si la religion pouvait revenir à l’avant-scène, j’aurais dit que c’était impossible.
Au cours de cet entretien, l'écrivain revient sur les attentats du 11 septembre 2001 qui ont frappé New York où il habite, et également, un an après l'attentat qui a frappé la rédaction de Charlie Hebdo, rend hommage aux dessinateurs du journal satirique et à leur engagement en faveur de la liberté d'expression :
Charb et ses confrères ont payé le prix fort pour leur engagement en faveur de la liberté d’expression. J’ai toujours dit "Je suis Charlie" et je suis heureux de pouvoir le dire en France aujourd'hui. Il est très important de nous en tenir à cette ligne de conduite. On a lutté tellement fort pour cette liberté d’expression et il faut se battre pour la préserver.
Mille et une nuits équivalent à deux ans, huit mois et vingt-huit nuits. La référence au classique de la littérature arabe est assumée : Salman Rushdie sera Schéhérazade, l’inlassable narratrice. A moins que Schéhérazade ne soit Dunia, l’héroïne de ce roman, une djinna tombée amoureuse d’un philosophe, Ibn Rushd, alias Averroès. Qui a lui-même engagé une dispute théologique avec le fondamentaliste Ghazali. Ajoutons à cela une descendance mi-djnn mi humaine qui a essaimé un peu partout sur Terre, un New-York bordélique et un Bombay tentaculaire, et l’on obtient un roman foisonnant où la sobriété n’est pas de mise.
Dans Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, qui peut se lire comme un roman de la guerre des mondes, Salman Rushdie place l'origine de la violence dans une guerre des idées entre le philosophe Averroès et le fondamentaliste Gazali. Au cours de cet entretien, l'écrivain s'explique sur la puissance qu'il accorde aux idées, bien plus considérable selon lui que des phénomènes économiques ou sociaux :
L’une des découvertes de notre époque, c’est le fait que les idées sont plus puissantes que les intérêts personnels. Au nom d’une idée, les gens sont capables de faire des choses qui vont à l’encontre de leurs intérêts. Le monde semble présidé par l’idéologie plus que par l’économie ou tout autre phénomène. C’est sur cette évolution de notre perception que je voulais écrire.
Les propos de Salman Rushdie sont traduits par Xavier Combe.
- Salman Rushdie, Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, Actes Sud
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