Afghanistan, au-delà du chaos

Face à la multiplication des attaques et à l’extension du territoire des talibans qui contrôleraient aujourd’hui 40% du pays, territoire qui abrite un tiers de la population afghane, la plus longue guerre menée par les États-Unis revient 16 ans après son départ parmi les préoccupations principales des organisations internationales. Existe-t-il une perspective crédible pour la paix en Afghanistan ? Et comment continuer à vivre au-delà du chaos ? Nous recevons aujourd’hui Karim Pakzad, chercheur à l’IRIS, spécialiste de l’Afghanistan. Accompagné de Sonia Kronlund, journaliste, productrice à l’émission les Pieds sur Terre sur France Culture, réalisatrice du documentaire “Nothingwood” qui sort aujourd’hui en salle et était sélectionné à Cannes le mois dernier dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs.

"Depuis la naissance de l’Afghanistan actuel, ce pays n’a jamais connu la paix"

L’Afghanistan a rarement connu le répit. Comment expliquer que ce pays au carrefour de l’Asie centrale soit à ce point en proie à des convulsions ?

Parfois on dit que le malheur de l’Afghanistan c’est sa géographie. C’est un tout petit pays dans la région par rapport aux puissances qui l’entourent. Depuis l’Antiquité l’Afghanistan a été le carrefour des invasions, et depuis la naissance de l’Afghanistan actuel en 1747, ce pays n’a jamais connu la paix. Karim Pakzad

Il y a une métaphore qu’on utilise souvent pour parler de l’Afghanistan, c’est celle de la chèvre du Bouzkachi, qui est un jeu auquel on joue en Afghanistan où des cavaliers se disputent le cadavre d’une chèvre. On dit que l’Afghanistan est la chèvre du Bouzkachi : les pays autour essaient chacun de tirer une patte de la chèvre. Sonia Kronlund

Une des décisions marquantes dans l’histoire contemporaine de l’Afghanistan, c’est la décision américaine après le 11 septembre 2001 d’intervenir, alors que les terroristes n’étaient pas Afghans. Pourquoi avoir pris cette décision ?

Je pense que Georges Bush était motivé par le sentiment de vengeance. Il voulait changer la figure du Proche-Orient par des interventions militaires. Il a pensé que le plus facile était d’envahir et de renverser les talibans dans leur lieu d'origine, et de commencer à installer un « état à buildings ». C’est ce qui a motivé cette décision alors que les Américains n’avaient aucune stratégie ni aucun alliés. Karim Pakzad

"L’Afghanistan fait partie des pays les plus corrompus au monde"

L’Afghanistan est un pays très pauvre, avec un PIB de 1000 dollars par habitant. Sur cet État, des pays comme les États-Unis ont déversé des milliards de dollars. On ne voit pas du tout où est cet argent. Où se trouve t-il ?

Cela est uniquement le fait des civils pendant la reconstruction. En 2002, les Américains ont décidé de mettre en place une Inspection générale de la reconstruction de l’Afghanistan, ou SIGAR. Les chiffres que SIGAR donne du détournement de l’argent destiné au public sont effarants. L’Afghanistan fait partie avec la Corée du Nord et la Somalie des trois pays les plus corrompus du monde. Karim Pakzad

Retrouvez la deuxième partie d'émission ici.