Nonna Mayer : "Plus qu'une bataille culturelle, il y a un malaise identitaire au sein de la société française"

La politiste, directrice émérite de recherche au CNRS et spécialiste de l'extrême-droite Nonna Mayer.
La politiste, directrice émérite de recherche au CNRS et spécialiste de l'extrême-droite Nonna Mayer.  ©Maxppp - Taris Philippe
La politiste, directrice émérite de recherche au CNRS et spécialiste de l'extrême-droite Nonna Mayer. ©Maxppp - Taris Philippe
La politiste, directrice émérite de recherche au CNRS et spécialiste de l'extrême-droite Nonna Mayer. ©Maxppp - Taris Philippe
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Alors que le Rassemblement National engrange les ralliements à quelques semaines des élections régionales et tandis que certains thèmes de l'extrême-droite semblent s'imposer dans le débat public, la politiste, directrice émérite de recherche au CNRS et spécialiste de l'extrême-droite Nonna Mayer.

Avec
  • Nonna Mayer Politologue, directrice de recherche émérite au CNRS, rattachée au Centre d’études européennes de Sciences Po

La campagne pour les élections régionales sent déjà la présidentielle. La sécurité est posée en sujet prioritaire et ce désir réel ou exagéré d'ordre d'autorité se voit renforcé par des faits d'actualité comme la mort d'un policier à Avignon ou encore par les débats nés de la tribune puis de la lettre-pétition de militaires qui n'hésitent pas à parler de risque de guerre civile. 

Cette menace a été reprise par Marine Le Pen, dont le parti, le Rassemblement national, poursuit, selon les enquêtes d'opinion, sa progression. 29% des personnes interrogées par l'institut Kantar pour Le Monde et France Info se disent d'accord avec ces idées. 42% estime que le RN ne représente pas un danger, tandis que Jérôme Fourquet, dans une étude de la fondation Jean-Jaurès parue fin avril, observe la solidité de l'électorat RN qui s'ancre chez les moins diplômés et les moins riches.  

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Directrice de recherche émérite au CNRS, rattaché au Centre d'études européennes et de politique comparée de Sciences Po, Nonna Mayer est spécialiste de sociologie électorale, et travaille sur les droites radicales populistes, le racisme et l'antisémitisme.

Nous sommes dans un contexte de "à droite toute". La situation que nous vivons y est pour beaucoup. Il y a toutes les incertitudes liées à la pandémie et à l'après-Covid, les attaques terroristes à répétition, nombre de fonctionnaires de la police ont été attaqués... Bref, on a un sentiment d'insécurité qui est en train de monter. Tout ça est très bon pour le parti de Marine Le Pen, puisque la sécurité et l'immigration sont ses deux thèmes de prédilection, les seuls sur lesquels les Français considèrent qu'elle est capable de faire mieux que les autres. 

Quand on demande aux personnes de se classer sur l'axe gauche-droite, un quart d'entre elles se classent à gauche. Depuis la dernière présidentielle, ce chiffre n'a pas bougé. Mais ceux qui se classent à droite sont passés d'un tiers à 38%. Donc, on voit clairement qu'il est en train de se passer quelque chose. Ceci dit, pour les élections régionales, nous sommes dans le brouillard. Parce que la Covid a contribué à brouiller les repères politiques, à augmenter le sentiment qu'il y a une déconnexion entre ceux d'en bas et ceux d'en haut.

Qualifiée "d'islamo-gauchiste" alors qu’elle était en lice pour la présidence de la Fondation nationale des sciences politiques, Nonna Mayer a récemment publié une tribune dans le Monde, " Ceux qui m’attaquent ne respectent pas les règles du débat universitaire"

_L_e terme d'"islamo-gauchisme" est devenu un instrument pour délégitimer les personnes qui travaillent sur les préjugés envers les musulmans. Au départ, il s'agit d'un terme lancé par Pierre-André Taguieff dans les années 2000. Il désigne quelque chose de très concret : des groupuscules d'extrême gauche qui sympathisent avec des réseaux islamistes, parce qu'ils se battent pour la même cause palestinienne. C'est donc quelque chose de très clair. Mais quand je regarde ce qui est dit par l'Observatoire, mais aussi par la ministre Frédérique Vidal, je ne comprends plus du tout : cela devient un fourre tout idéologique. 

_P_lus qu'une bataille culturelle, il y a un malaise identitaire dans la France. La société a changé, elle est devenue diverse, multiculturelle. Un certain nombre de groupes se battent pour avoir des droits et un certain nombre de gens ont, eux, le sentiment d'être remis en cause. Le problème est qu'il y a une spécificité française qui est liée à cette tradition républicaine de la laïcité. Et c'est autour de questions comme "qu'est ce que la laïcité?" ou "quelle est la place de l'islam dans la société française?" que tout est en train de se cristalliser. 

Pour aller plus loin : 

Le Choix musical de Nonna Mayer : 

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