"Eloge des bâtards", d'Olivia Rosenthal, paraît le 22 août aux éditions Verticales. Une histoire de résistants, de réfractaires, qui prône le désordre mais tente de s'organiser, où l'individu tente de s'arrimer à un groupe.
- Olivia Rosenthal Écrivain
Il est beaucoup question d’héritage, de mémoire et de filiation dans le nouveau roman d’Olivia Rosenthal, qui paraît à l’occasion de cette rentrée littéraire 2019.
Éloge des bâtards, c’est l’histoire d’un groupe de résistants, de réfractaires, peut-être dirait-on plus volontiers aujourd’hui de désobéissants, ou de Zadistes. Vivant dans une certaine urgence, comme si leur combat était déjà perdu, ils tentent cependant de coordonner leurs actions dans la ville dont ils entendent occuper les derniers espaces de liberté, face aux services de la ville, très intrusifs, ou encore face à des milices. Ils tentent de s’organiser pour, par exemple, saturer l’espace urbain, qui semble autour d’eux défiguré, de signes invisibles… Ils prônent le règne du désordre… à moins que ça ne soit celui des bâtards ?
La littérature, ce sont des bifurcations. On croit qu'on va lire un roman d'action, et finalement c'est complètement autre chose... on croit qu'on va sur une piste puis on va sur une autre. C'est vraiment une chose qui m'intéressait beaucoup, de déplacer le lecteur vers un endroit auquel il ne s'attende pas. On pourrait penser qu'il s'agit d'un monde anticipé, dans quelques années, mais je tiens à dire que c'est le monde dans lequel on vit déjà. Ce n'est pas un roman d'anticipation. Il y a des villes dans le monde dans lesquelles c'est déjà ce que je décris, dans lesquelles la surveillance est à l'oeuvre, dans lesquelles la vie est véritablement verticale, dans lesquelles il n'y a pas d'espace disponible. Au fond je n'ai fait que décrire le monde dans lequel je vis.
C'est une histoire de bâtards. J'aime les bâtards et c'était le point de départ de mon livre. Je voulais aussi réhabiliter ce mot et ceux qui sont considérés comme bâtards, c'est-à-dire ceux qui ont des origines incertaines. Ces origines incertaines sont pour moi le point de départ de la littérature. Un livre, c'est l'histoire d'un personnage qui cherche ses origines, qui est en quête ; et ces bâtards vont commencer à se parler les uns aux autres, ils vont se raconter leurs propres histoires avec cette idée aussi que raconter, parler à quelqu'un c'est aussi une activité subversive. La subversion est dans l’action politique mais aussi dans le fait de parler, de prendre ce temps-là. C'est très important dans le livre, avec l'idée du bâtard comme marginal absolu et qui est obligé de s'arranger avec une situation qu'il n'a pas choisi. Il n'est pas à sa place et à partir de ce moment-là, parce qu'il n'est pas à sa place, il va devoir produire des réponses qui sont toujours inventives, il doit inventer quelque chose qui lui permet de trouver sa place.
J'ai essayé de me laisser conduire par les témoignages recueillis, mais aussi d'offrir au lecteur une place. Au fond, ce livre - comme on ne sait pas bien où ça se passe ni ce qu'ils font - c'est aussi un lieu de projection pour le lecteur, c'est-à-dire qu'il a la place pour imaginer la ville qu'il a envie d'imaginer, imaginer ces personnages, comprendre pourquoi ils sont ensemble, qu'est-ce qu'ils font ensemble exactement, ce qui les unit. Ce n'est pas ce qu'on croit, ce n'est pas le fait d'être un activiste, c'est autre chose.
Dans le livre, l'idée est de comprendre comment l'individu s'arrime à un groupe. Le groupe finalement ne peut se constituer qu'à partir du moment ou chacun prend la parole en son propre nom. C'est l'idée que l’action n’aura du sens qu'à partir du moment où chacun investit sa propre personne, son individualité, qu'il raconte quelque chose de son identité, sachant que ces identités sont fluctuantes et incertaines. C'est cela l'enjeu : comment arrive-t-on à s'engager en tant que soi-même ? C'est la condition même de l'existence du groupe.
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