
Maïmouna Doucouré, cinéaste dont le court-métrage "Maman(s)" avait remporté le César en 2017 et le prix du Jury à Sundance, vient nous présenter son long-métrage "Mignonnes", qui questionne la manière dont de très jeunes filles hypersexualisent leurs propres corps et les raisons qui les y incitent.
Maïmouna Doucouré (Cinéaste).
Confrontation des conceptions
Le film est né d'un spectacle auquel a assisté Maïmouna Doucouré, durant lequel des jeunes filles dansaient de manière très suggestive, face à des mamans ayant une apparence "plus traditionnelle". Ce fut au yeux de la réalisatrice un "choc des cultures", que cette dernière a assimilé à son propre vécu alors qu'elle grandissait, qui correspondait lui aussi à une confrontation entre des conceptions différentes voire antagonistes de l'apparence et de l'exposition féminine. Elle est par la suite allée à la rencontre de jeunes filles d'une dizaine d'années pour les écouter, et comprendre à travers leur voix leur ressenti et leur vécu. Mignonnes a ainsi été écrit, associant à ses échanges ses propres souvenirs. Son équipe de casting est allée à la rencontre de 700 petites filles pour trouver les cinq actrices principales du film.
Convergence du message
Trois générations sont racontées par le long-métrage. Elles ne portent pas quant à elle une conception différente de la place des femmes, mais se rejoignent au sujet de ce à quoi il faut échapper : son oppression. Amy, onze ans, illustre surtout son aspiration à la liberté par des danses hypersexualisées. La réalisatrice s'interroge : cette danse est-elle un moyen d’émancipation ou, à l'inverse, un autre moyen d'oppression, dans une démarche par conséquent contradictoire ? Le thème des réseaux sociaux et de l'exposition de soi à travers ceux-ci est aussi exploité. Finalement, Maïmouna Doucouré se demande ce que représente le fait d'être une femme, et y répond au bout du compte de manière simple : leur liberté de choisir qui elles sont et ce à quoi elles ressemblent doit être la plus grande possible.
Une exposition franche
Les jeunes filles grandissent et se cherchent sans filtre face à la caméra.
Cet âge-là, c'est l'âge où on tient dans une main une poupée et dans l'autre une cigarette, parce qu'on a envie de faire comme les grands. Il y a une forme de schizophrénie, on n'est plus tout a fait un enfant mais pas encore un adulte. On se cherche, on teste beaucoup de choses et on explore le monde sans en comprendre les mécanismes. Maïmouna Doucouré.
Maïmouna Doucouré assume et revendique un parti pris cinématographique, qui peut même déranger, comme elle le reconnaît elle-même : celui d'adopter entièrement et uniquement le regard des jeunes filles ainsi que d'observer la façon dont elles s'exposent comme elles le veulent.
Illustrer la société
La cinéaste établit deux constats. D'abord, les populations "issues de la diversité" n’apparaissent pas suffisamment sur grand écran. Cependant, elles sont filmées avec beaucoup plus d'audace dans les propositions faites par les plateformes. Le qualificatif la dérange : on ne devrait pas avoir à l'utiliser, et donc à souligner leur absence des productions, le message voulu étant de toute façon celui de "l'universalité", et l'identification du spectateur n'étant pas lié à l'origine des acteurs. La volonté politique qui s'affirme et qu'elle salue pourrait permettre de faire disparaître ce type d'expression. Mais elle est encore beaucoup trop peu assumée en-dehors des plateformes.
Mignonnes, Maïmouna Doucouré, à partir du 19 août 2020.
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