Emprisonné pendant une année entre 2012 et 2014 par le régime de Bachar Al Assad, le dessinateur syrien fait paraître ses dessins de prison dans "Tous témoins" (Actes Sud). Il présente également jusqu'au 30 avril une exposition de dessins et de gravures à la galerie Fait & Cause, à Paris.
- Najah Albukai Dessinateur
Ce sont des dessins qui saisissent, difficiles et importants à regarder. Des corps torturés et déformés par la douleur. Des hommes quasi nus et si maigres que la vie peut à tout moment quitter dans les geôles du régime syrien. Emprisonné en tout pendant un an, le dessinateur syrien Najah Albukai, fait paraître ses dessins de prison dans le récit collectif Tous témoins (éd. Actes Sud). Des oeuvres que l'on retrouve aussi jusqu'au 30 avril dans une exposition à la galerie Fait & Cause (qui doit normalement rester ouverte, du mercredi au samedi de 13h30 à 18h). Najah Albukai participera également samedi 20 mars prochain à une soirée mise en scène par Wajdi Mouawad autour du livre Tous témoins à la Maison de la Poésie, en direct à partir de 19h sur la page Facebook ou la chaîne Youtube de la Maison de la Poésie. La vidéo sera disponible ensuite pour un visionnage en différé sur ces mêmes plateformes.
Au début de ma captivité en 2012, je n’avais pas de souvenirs de ce que je voyais. Ma cellule était petite, et nous étions pour la plupart malades, atteints de conjonctivites. J’ai donc dessiné par touches d’ombres les silhouettes des prisonniers. Et puis j’ai eu peur d’être de nouveau incarcéré, alors j’ai arrêté. En 2014, je me suis trouvé dans une nouvelle cellule, plus éclairée. Je voyais beaucoup plus devant moi. Je pouvais repérer les autres prisonniers, leur promiscuité et les scènes de torture. A mon arrivée à Beyrouth deux mois après ma libération, c’est comme si l’appareil venait de développer toutes les photos enregistrées sur une pellicule. Et je me suis mis à dessiner sans arrêt, pour témoigner.
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J’ai poursuivi mon travail sur des papiers plus grands, et j’ai commencé à me confronter à des problèmes esthétiques. Le jour où mes dessins ont été publiés dans le journal Libération, j’ai été contacté par l’artiste graveur Pierre Collin. Il m’a invité à faire un atelier de dessin avec des étudiants en arts. Il m’a dit qu’il sentait que je pourrais faire de la gravure. On a alors fait un essai, et après avoir obtenu une bourse de l’Académie des Beaux-Arts, j’ai pu faire une quinzaine de gravures, des choses que je n’aurais jamais imaginé réaliser. Là, j’ai pu affronter les questions esthétiques du dessin sans rien renier du témoignage ni esthétiser l’horreur.
Quand je suis arrivé aux Beaux-Arts à Rouen, j’étais avec un chevalet, du papier et des pinceaux. Et j’ai compris que le dessin était méprisé, que je n’étais pas pris au sérieux. On m’a pris pour un retraité qui venait prendre des cours du soir pour apprendre la peinture. Heureusement j’ai pu rencontrer des professeurs comme Philippe Garel, qui m’a encouragé à dessiner.
Dans un pays comme la Syrie avec un régime dictatorial très dur, monstrueux, il n’y a pas de pitié. On a le choix entre être un criminel, du côté du régime et corrompu, et être victime. Ceux qui ne voulaient choisir ni l’un ni l’autre sont devenus des clowns, pour esquiver ces deux camps. En tant qu’artistes syriens, nous étions donc des clowns.
Le Choix musical de Najah Albukai :
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Pour aller plus loin :
- La galerie Fait & Cause doit normalement rester ouverte du mercredi au samedi, de 13h30 à 18h.
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