

Les scénaristes de jeux vidéos déploient des techniques narratives nouvelles et originales, qui brouillent les frontières entre spectateur et acteur, utilisateur et narrateur. Un exercice qui les amène à dialoguer avec les univers du cinéma et de la littérature.
- Mohamed Megdoul fondateur et directeur de la rédaction de la revue "Immersion"
- Sébastien Renard Scénariste (lead writer) chez Asobo notamment sur les deux jeux Plague of Tale
Un jeu vidéo, c’est un ou plusieurs héros, des personnages secondaires, un univers, une bande-son, une carte et ses frontières... et surtout, un jeu vidéo, c’est une histoire. Une narration sur une ligne de crête, entre l’ouvert et le fermé, entre la multiplication de possibles et la prédestination. Le jeu introduit un rapport direct entre l’utilisateur et le narrateur, pour satisfaire des gamers goûtant à l’impression d’être eux-mêmes le centre d’une histoire.
Mais comment écrit-on de telles histoires, comment dessine-t-on de telles cartes, comment décide-t-on à quel moment laisser de l’autonomie au joueur et à quel moment l’emmener dans la direction que l’on souhaite ? Qu’est-ce qu’écrire une narration partiellement tenue par l’usage même du jeu ?
Les créateurs de jeux ne travaillent pas comme les auteurs de romans ou les cinéastes, tout entier tourné vers la conception d’objets abolissant au maximum les frontières entre acteur et spectateur.
Des jeux et des émotions
Mohamed Megdoul le jure : il a déjà pleuré devant un jeu vidéo. "Beaucoup de jeux m'ont beaucoup touché, les jeux provoquent des émotions, à cause de l'histoire qu'on nous raconte, et puis on apprécie des personnages qu'on 'pratique', ça développe une empathie un peu étrange."
Pour lui, comme la littérature ou le cinéma, le jeu permet de mieux comprendre ce qui nous anime, ce qui nous entoure ; nos vie. 'Dans 'A Plague Tale' par exemple, la relation entre la soeur et le frère qu'on joue est très parlante, je pense qu'elle peut rentrer en écho avec beaucoup de gens sur la fraternité, le lien, la parentalité..."
Une écriture pour l'interactivité
Sébastien Renard, scénariste de 'A Plague Tale' explique la manière de concevoir un jeu. Une écriture différente de celle d'un roman ou d'un film. "Il s'agit de penser à l'histoire mais aussi à l'expérience interactive. On ne peut pas simplement montrer et raconter une histoire, il faut la faire vivre. On passe donc du temps à élaborer un 'game play', qui est l'ensemble des règles qui vont régir le rapport du joueur au jeu. Chaque mot que j'écris comme scénariste va engager des tas de métiers derrière. C'est un travail d'équipe tout du long."
"La première chose que se demande un joueur en lançant son jeu, ça n'est pas 'qu'est ce qu'on me raconte ?, mais qu'est ce que je dois faire ?", souligne Mohamed Megdoul. "L'histoire vient renforcer l'implication du joueur. Tout s'articule dans le jeu vidéo. On peut séparer ce qui a trait au scénario et ce qui a trait au 'gameplay', mais les deux se nourrissent. Par exemple dans 'A Plague Tale', qui est un jeu plutôt linéaire, on nous aménage quand même des libertés. À un moment, on arrive dans un marché. On peut soit remplir son objectif précis, rejoindre une maison, ou déambuler dans le marché, interagir avec des personnages secondaires qui nous racontent des petites histoires. Le jeu vidéo, c'est ça : des espaces de liberté et d'interactivité narrative."
L'équipe
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