Nouvelles menaces, nouvelles armes : quand l’armée anticipe les conflits du futur. Avec Jean-Christophe Noël et Emmanuel Chiva

La science-fiction au service de la défense pour imaginer les conflits de demain ?
La science-fiction au service de la défense pour imaginer les conflits de demain ?  ©Getty - Donald Iain Smith
La science-fiction au service de la défense pour imaginer les conflits de demain ? ©Getty - Donald Iain Smith
La science-fiction au service de la défense pour imaginer les conflits de demain ? ©Getty - Donald Iain Smith
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Et si les inventions de la science-fiction prenaient place sur le terrain des opérations militaires ? Des soldats bioniques aux drones pilotés par l'intelligence artificielle, à quoi ressembleront les guerres de demain ?

Avec
  • Emmanuel Chiva Directeur de de l'Agence de l'innovation de défense rattachée au ministère des Armées
  • Jean-Christophe Noël Chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI)

Pour anticiper les guerres de demain, le ministère des Armées français a fait appel à des auteurs de science-fiction, réunis au sein de la "Red Team" pour envisager des scénarios qui bousculent les certitudes en matière de stratégie militaire. Le 7 juillet dernier, deux scénarios que vous pouvez consulter ici, ont été présentés au grand public. Sur quel front se jouera la guerre de demain : le cyber espace, l'intelligence artificielle et les drones, le soldat bionique ? 

Pour en discuter, nous recevons Jean-Christophe Noël, ancien officier de l’armée de l’Air, chercheur associé au Centre des Etudes de sécurité de l’Institut français des relations internationales (Ifri), auteur d’une note pour l’IFRI « A la recherche du soldat augmenté » et rédacteur en chef de la Revue Vortex (revue sur la puissance aérienne et spatiale dans l’Armée de l’Air) ainsi qu'Emmanuel Chiva, directeur de l’Agence de l’Innovation de Défense à l'origine de la constitution de la " Red Team". 

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La mission de la Red Team

Le défile du 14 juillet a pour thème « gagner l’avenir » , une référence à la capacité collective de la nation à dépasser les difficultés liées à la crise sanitaire et pour les armées, au fait d’être tourné vers des engagements plus durs, dits de hautes intensités, en s’appuyant sur des matériels de hautes technologies. 

Il y a quelques jours ont été présentés deux scénarios de guerres du futur. Les travaux de la Red Team qui réunit des auteurs de sciences-fiction. Emmanuel Chiva a eu l’idée de créer cette Red Team en lien avec le ministère des Armées, qu’est-ce que cette red Team et qu’elle est sa mission ? 

La mission de la Red Team est de penser comme l’ennemi. Le Pentagone avait engagé une équipe pour penser comme le pacte de Varsovie, d’où l’étoile rouge. Cette Red Team porte l’idée de nous projeter en 2060, c’est-à-dire au-delà de ce qu'on est capable d’imaginer normalement, pour pouvoir anticiper la surprise stratégique. Pour se faire, il fallait sortir de notre zone de confort. Entre les scientifiques et les militaires on s’est dit qu’on allait pouvoir passer les murs de l’imaginaire. Aujourd’hui on est tellement saturé de sciences et de technologie qu’on a du mal à se projeter au-delà. Emmanuel Chiva

Ils sont une dizaine d’auteurs, dont certains préfèrent rester anonymes. Ils ne travaillent pas seuls mais avec des militaires. 

On ne peut imaginer laisser dix auteurs de sciences fiction dans une pièce et avoir des scenarii qui soient exploitables. Ce qui nous intéresse vraiment c’est d’aller vers 2060 et puis revenir en 2030 pour penser les menaces générées par cette société. Emmanuel Chiva

Donc il nous fallait d’abord un opérateur, l’université de Paris Sciences et Lettres et puis il fallait les confronter à des opérationnels du ministère, donc des gens des États majors d’armées, de la direction générale pour l’armement. Sachant que cette Blue Team, comme on l’appelle puisqu’elle est en face de la Red Team, a une mission difficile qui est, non pas de les orienter, mais de les guider un peu, éviter que l’équipe ne se retrouve complètement hors sol. Emmanuel Chiva

Je trouve que c’est très utile. Souvent les prévisions que l’on fait de la guerre sont fausses car on a du mal à penser les ruptures. Ce sont les ruptures qui créent la nouveauté, les surprises, etc. Je pense que c’est aussi une des vertus de cet exercice, les militaires ne pensent pas entre eux mais avec des personnes dont l’imagination est avérée. Ils peuvent imaginer des scénarios de rupture, ce qui permet d’avoir un pas de coté par rapport à ce qu’il se passe aujourd’hui et de voir les choses différemment, d’imaginer des solutions et puis de réfléchir à notre système de force. Jean-Christophe Noël

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