

A quelques jours de l'investiture du futur candidat LR à l'élection présidentielle, comment se porte la droite française et quelle direction prend-elle ? Avec l'historien Gilles Richard et le politiste Emilien Houard-Vial.
- Gilles Richard professeur d'histoire contemporaine à l'Université Rennes-II
« La droite a un mois pour choisir son champion » titrait jeudi Le Figaro, après que le parti Les républicains a validé les cinq candidatures qui seront autorisées à participer au congrès début décembre pour l’investiture à la présidentielle de 2022. A l’issue de ce vote interne, la droite aura son ou sa candidate à l’élection présidentielle de 2022. Michel Barnier, Xavier Bertrand, Eric Ciotti, Philippe Juvin et Valérie Pécresse s’affronteront dès lundi lors d’un premier débat télévisé. La droite espère ainsi occuper pendant un mois un espace politique jusque-là monopolisé par un potentiel concurrent. Mais dans quel état la droite aborde-t-elle cette campagne ?
Gilles Richard, Professeur émérite d’histoire contemporaine de l’université Rennes II, spécialiste des droites françaises, Président de la société française d’histoire politique, auteur en 2017 d’une somme Histoire des droites en France de 1815 à nos jours (Perrin).
La principale fragilité des Républicains vient de la stratégie adoptée par Nicolas Sarkozy à partir de 2005-2007. Quand l'UMP est créée en 2002, le parti adopte une ligne néolibérale et européiste, qui doit rassembler les démocrates-chrétiens, les giscardiens, les chiraquiens. Et quand Nicolas Sarkozy prend en main le parti après Juppé, il y ajoute une nouvelle aile inspirée par Charles Pasqua et récupère ainsi une partie des électeurs nationalistes. Le parti gonfle à ce moment-là, mais se retrouve constitué d'individus qui n'appartiennent pas à la même famille politique.
Il est impossible de trouver une unité idéologique à droite, parce qu'il y a plusieurs familles politiques très différentes_._ Les LR, précisément, se trouvent en difficultés : ils sont pris entre, d'un côté, le grand pôle macroniste de la République en marche, qui incarne le néo-libéralisme proeuropéen, et de l'autre le Rassemblement National, qui, lui, structure la grande famille nationaliste en pleine expansion. On voit donc très bien qu'il est difficile de parler de "la droite" puisqu'il y a, en réalité, deux grands pôles.
Emilien Houard-Vial, politiste, spécialiste de la droite française, enseignant à Sciences Po Paris et doctorant au CEE (Centre d'études européennes et de politique comparée de Sciences Po, thèse sous la direction de Florence Haegel sur « la production et la diffusion de l’idéologie, le cas de la droite partisane française »).
Pour la majorité des cadres LR, Zemmour est plutôt une ligne rouge. Ses valeurs ne sont pas celles des Républicains, sur les questions de déclinisme par exemple. Ils ne partagent pas non plus sa thèse du "grand remplacement". Mais le problème est d'arriver à pouvoir l'exprimer publiquement. Parce que les Républicains sont dans une passe un peu difficile et ne veulent pas prendre le risque de potentiellement s'aliéner des électeurs, qui pourraient voir d'un oeil favorable Eric Zemmour, sans forcément voter pour lui.
Après De Gaulle, la droite a éprouvé des difficultés à instaurer des nouvelles doctrines. On est finalement resté sur un assemblage de grandes valeurs cohérentes entre elles comme l'immigration, la sécurité, la liberté, et éventuellement la place de la France dans le monde et dans l'Europe. Mais il y a eu une difficulté à trouver un nouveau syncrétisme et à l'exprimer de manière explicite. Les références au gaullisme sont là, bien sûr, mais on ne fait pas du gaullisme tout un programme.
Pour aller plus loin :
- Histoire des droites en France. De 1815 à nos jours(éd. Perrin), de Gilles Richard
- En savoir plus sur les travaux de Emilien Houard-Vial
- Pourquoi Éric Zemmour embarrasse-t-il autant la droite ?, et La droite se déchirera-t-elle pour ses idées ? deux articles récents de Edouard Houard-Vial à lire dans The Conversation
- En savoir plus sur les travaux de Edouard Houard-Vial
- Au parti Les Républicains, dernière ligne droite avant le congrès, Le Monde
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