Affaire Mila : sur les réseaux sociaux, la jeunesse entre liberté et harcèlement. Avec Richard Malka

Mila le 3 juin 2021
Mila le 3 juin 2021 ©AFP - Bertrand GUAY
Mila le 3 juin 2021 ©AFP - Bertrand GUAY
Mila le 3 juin 2021 ©AFP - Bertrand GUAY
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Ce matin, retour sur les deux jours de procès dans lequel les harceleurs de Mila, la jeune femme de 18 ans victime d’un déchaînement de haine, après ses prises de positions sur l’islam, en novembre 2020, ont été appelés à la barre.

Avec
  • Richard Malka Avocat au barreau de Paris, spécialisé dans le droit de la presse et scénariste de bandes dessinées

Durant le procès de l’affaire Mila, treize prévenus ont été appelés à la bar pour répondre aux messages de “lynchage 2.0” qu’ils ont envoyé à la jeune femme après ses prises de positions sur l’islam. Cette affaire, aux dimensions politiques et judiciaires, dépasse le sort des parties prenantes au procès. 

Où s’arrête l’insulte à la religion et où commence l’offense au croyant ? Comment juger le harcèlement sur les réseaux sociaux qui permettent à la fois une grande liberté d’expression mais tout autant de dérives ? L’arsenal juridique est-il adapté ? 

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Richard Malka, avocat au barreau de Paris, avocat de Mila,  jeune femme victime de cyber harcèlement, après ses prises de positions sur l’islam, en novembre 2020. 

Le défenseur de Mila

Richard Malka rappelle que si cette affaire a débuté sur les réseaux sociaux, l'ensemble de la société a également échoué à protéger Mila. 

Aujourd’hui, je défends une jeune femme de 18 ans exclue de l’école, parce que l’école de la République ne peut pas assurer sa sécurité. Aucun des agresseurs de son lycée n’ont été sanctionnés. Puis la cinquième armée mondiale a expliqué qu’elle non plus ne pouvait pas assurer sa sécurité. Elle est toujours confinée, et elle n’y aura pas de vaccin pour elle ! 

Elle ne peut plus voir d’autres êtres humains, voir des gens de son âge, être prise en photo. Elle n’a rien fait, commis aucune infraction, une enquête a été ouverte sur ses propos et rien n’a été trouvé. Quand je sais ça, je regarde mes pieds et j’ai honte. C’est insoutenable cette situation-là. 

C’est de notre faute. On apprend à ces jeunes dans nos familles, à l’école, qu’il faut respecter les religions. Mais non, il ne faut pas les respecter ! Il faut en discuter. Ils ne font aucune distinction entre blasphème et racisme. On a oublié de dire à ces gens qu’on a le droit de ne pas respecter une religion. 

Les motivations des harceleurs de Mila

Les prévenus lors du procès de Mila ont pratiquement tous reconnus lui avoir envoyé des messages de haine et des menaces de mort en réaction à ses propos sur l'Islam. Richard Malka explique que presque aucune de ces personnes interrogées n'avaient vu la vidéo de Mila, pourtant visionnée plus de 35 millions de fois.  

Ils inventent des propos de Mila sur les musulmans, alors qu’elle n’a fait que parler de sa conception de l’Islam. En s’inventant des propos, ils se sont inventés le droit de vouloir lui écraser le crâne. 

Ils écrivent « par pitié qu’on lui broie le crâne » et expliquent que c’est comme « passe moi le sel ». Il y a quelque chose qui n’est pas passé dans la transmission des valeurs. Il faut aussi expliquer aux jeunes qu’on a le droit de ne pas être accord, mais qu'on n’a pas le droit de s’injurier ou de se menacer de mort. Mais leur a-t-on appris ça ? Leur a-t-on dit ? 

La responsabilité des réseaux sociaux

Cette affaire permet de rappeler l'inefficacité des réseaux sociaux pour lutter contre le harcèlement en ligne. Les réseaux utilisent des algorithmes qui ne savent pas encore différencier une critique d'une insulte. Si une loi a été promulguée pour obliger les réseaux sociaux à se doter de modérateurs humains, les entreprises refusent de s'exprimer sur leur nombre effectif. Richard Malka dénonce cette incapacité des réseaux sociaux à considérer les insultes comme susceptibles d'être retirées, selon une lecture américaine de la liberté d'expression, et s'exprime sur la question de l'anonymat en ligne : 

Sur l’anonymat, il y a plusieurs sujets. Si je suis une féministe de 20 ans qui ne partage pas l’opinion des mouvements féministes anciens ou récents, il est compliqué de s’exprimer sous mon nom pour formuler des idées. Si je suis journaliste, j’ai le droit d’avoir un pseudo pour me protéger dans le cadre d’une investigation. L’anonymat permet de se protéger mais pas d’insulter. La réponse n’est pas d’interdire l’anonymat. 

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