Dimanche, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a officialisé sa candidature à sa réélection à l’élection présidentielle. Cette candidature est contestée par des dizaines de milliers d’Algériens qui depuis le 22 février manifestent dans tout le pays.
- Akram Belkaïd Essayiste et journaliste au Monde Diplomatique.
- Malika Rahal Historienne, chargée de recherche HDR au CNRS, et directrice de l'Institut d'Histoire du Temps Présent. Elle est spécialiste de l'histoire contemporaine de l'Algérie
Le chef de l’État de 82 ans, candidat après vingt années de présidence, et que les algériens n’ont pas vu depuis qu’il a été victime d’un AVC en 2013, n’est plus en état de diriger le pays, selon ses opposants.
Pour tenter de calmer les tensions, Abdelaziz Bouteflika a promis s’il est élu, d’organiser une élection présidentielle anticipée, élection à laquelle il ne sera pas candidat. Cette proposition n’a pas convaincu puisque les réseaux sociaux continuent de relayer massivement des appels à manifester, notamment pour une grande marche ce vendredi 8 mars.
Alors que le bras de fer entre le pouvoir et les manifestants ne fait que commencer, assiste-t-on à la fin de l’ère Bouteflika au sein du pouvoir algérien ? Les partis d’oppositions sont-ils aujourd’hui dans la capacité de formuler une alternative politique ? Et est-ce que l’Algérie a entamé son printemps contestataire ?
Nous recevons Akram Belkaïd, essayiste, journaliste au Monde Diplomatique et au _Quotidien d'Oran_, il publie en avril L’Algérie, un pays empêché en 100 questions aux éditions Tallandier.
Rejoint en deuxième partie d’émission par Malika Rahal, historienne à l’Institut d’histoire du temps présent, auteure de L'UDMA et les Udmistes. Contribution à l'histoire du nationalisme algérien publié aux éditions Barzakh, et de Ali Boumendjel. Une affaire française, une histoire algérienne paru aux Belles Lettres.
Akram Belkaïd :
Je pense que c’est le première fois depuis l'indépendance de l'Algérie qu'on assiste à une telle répétition de marches de protestation. Depuis le 1er mars, nous assistons à un mouvement de grande ampleur.
Si Bouteflika se représente, c'est que son clan, ceux qui l'entourent, n'ont pas réussi à lui trouver un remplaçant. Ils n'arrivent pas à s'accorder, pas pour une question idéologique mais pour une raison matérielle de répartition de la rente. Aucun remplaçant possible ne s'est avéré suffisamment convaincant pour rassurer les clans qui forment la "boite noire" algérienne.
L'Algérie est au seuil d'un changement de génération : c'est ce pas en avant que le gouvernement algérien n'arrive pas à faire. C'est un système qui arrive en bout de course et qui n'arrive pas à trouver de solution.
Le régime algérien est capable de tout pour garder le pouvoir.
Malika Rahal :
On a eu une situation dans les années 90 qui est assez rare dans ce type de conflit. L'Algérie est surement le seul état qui a réussi à reprendre la main sur une situation insurrectionnelle aussi forte que celle de la "décennie noire", et il y a la mémoire de cela. Les jeunes doivent être fatigués qu'on ressasse cette histoire. Mais dans la façon de manifester actuellement, il y a la présence de cet événement majeur.
Pour le moment, les uns et les autres sont très attachés à la souveraineté nationale et attentifs aux accusations de possible intervention étrangère. On n'est pas dans une situation où le mouvement ressemblerait à une insurrection islamiste. Rarement un mouvement s'est affirmé aussi autodiscipliné : on n'a jamais vu des millions de personnes marcher en criant "pacifisme" et "civilité". On est loin d'une situation catastrophique, ça c'est une construction qui est faite depuis Paris.
On a encore un pays où les inégalités sociales sont faibles, et on n’a pas dans l’opposition un discours fort sur quelles évolutions doit prendre le pays. Nous sommes les héritiers d’une situation économique où les inégalités sont faibles, mais où personne n’est en mesure dans un programme de capitaliser sur ces acquis pour présenter une ligne directrice.
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