

Cela fait déjà 5 ans. La France rend hommage aux victimes des attentats du 13 novembre 2015. Pour en parler, Guillaume Erner reçoit l’historien Denis Peschanski et la sociologue Laura Nattiez, co-auteurs du livre événement « 13 Novembre. Des témoignages, un récit », publié aux éditions Odile Jacob.
- Laura Nattiez docteure en sociologie, ingénieure de recherche au CNRS
- Denis Peschanski Historien, Directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la mémoire de la Seconde guerre mondiale
Cela fait 5 ans jour pour jour. Paris et Saint-Denis commémorent aujourd’hui les attaques du 13 novembre 2015 et c’est la France toute entière qui rend hommage aux victimes des attentats. Un traumatisme encore à vif dans les mémoires individuelles et collective. Chacun autour de nous se rappelle ce qu’il faisait ce soir-là.
Alors quelle est la mémoire des attentats du 13 novembre chez les survivants et parmi les Français ? Comment se construit cette mémoire collective traumatique qui, parfois, peut nous jouer des tours ? Et enfin de quelle manière lutter contre l’oubli ?
Pour répondre à ces questions, je reçois Denis Peschanski, historien, directeur de recherche au CNRS et co-responsable du programme 13 novembre, ainsi que Laura Nattiez, docteure en sociologie, ingénieure de recherche au CNRS. Ils co-signent avec Cécile Hochard le livre événement 13 Novembre. Des témoignages, un récit, publié aux éditions Odile Jacob et dont la lecture ne laisse pas indemne.
Le programme du 13-Novembre sur la mémoire des attentats
"On a pour singularité d'avoir lancé un programme de 12 ans sur la construction de la mémoire individuelle et la mémoire collective et finalement, comment elles interagissent. Mémoires individuelles et mémoire collective d'un événement qui est un événement traumatique. A partir de là, l'un des volets de notre programme que je codirige avec le neuroscientifique Francis Eustache, est ce qu'on appelle "l'étude des 1000", c'est à dire le suivi d'une sorte de cohorte de 1000 personnes qui, de plus près au plus lointain de l'événement, nous racontent leur 13 novembre." (Denis Peschanski)
"Les entretiens ont la particularité d'avoir été recueillis tous de la même manière avec un guide d'entretien identique pour tous les volontaires qui viennent participer. On est dans un studio d'enregistrement à l'INA avec un chercheur, un preneur de son et un preneur d'images. Et effectivement, nous avions pour le cercle 1, à savoir les personnes directement touchées par ces attentats, 360 témoignages, ce qui est à peu près inédit dans une recherche sociologique, en tout cas à ma connaissance. Et donc, nous avions ce matériau d'une richesse absolument exceptionnelle et il a fallu effectivement faire un tri pour effectuer un récit de référence, c'est à dire le récit le plus précis et le plus exhaustif possible, (...) sans édulcorer les faits, c'est à dire qu'il nous semblait important de tout raconter, mais sans tomber jamais dans un discours qui pourrait être voyeuriste, un peu gore ou qui serait dans le pathos. Donc, c'est vraiment comme ça que nous avons choisi. C'est cet assemblage de témoignages, 170 extraits dans le livre qui sont très dissemblables." (Laura Nattiez)
De la vérité du témoin à la vérité de l'événement
"Nous, on part de la parole des témoins et on a respecté strictement la parole des témoins. C'est la seule façon, en quelque sorte, de passer de la vérité du témoin à la vérité de l'événement. (...) On prend le témoignage comme objet de recherche. Là, on accepte ce que dit la personne, que ce qu'elle dit soit juste entre guillemets ou qu'il y ait des erreurs parce que l'erreur est porteuse de sens. Là, on passe à un niveau différent." (Denis Peschanski)
"On parle rarement des parents endeuillés. Et nous, on a un chapitre entier sur les proches, sur l'après. Par exemple, le magnifique documentaire des frères Naudet sur le 13 novembre s'arrête juste à la fin du Bataclan. Sauf qu'il s'est passé des choses après. Et c'est ce qu'on a raconté ce dernier chapitre, qui est sans doute le plus dur. Parce que c'est la recherche des enfants qui ont des enfants. Ce n'est pas mon âge. J'ai le même âge que les parents qui cherchaient leurs gosses et des gosses qui sont morts." (Denis Peschanski)
"Ce chapitre sur les proches montre en filigrane toute la solidarité qui se met en place. Le soir même, les gens qui cherchent, ce que l'on a tous fait d'appeler nos proches pour savoir s'ils allaient bien. Ensuite, la solidarité qui s'est mise en place autour des gens qui cherchaient quelqu'un. Tout le monde a commencé à mobiliser les uns et les autres qu'on connaissait dans les hôpitaux, dans les familles et ensuite, une fois qu'on sait qu'on a perdu quelqu'un. Ce que nous disent tous les parents endeuillés, c'est que leur maison a été complètement ouverte. Ça a été une solidarité transgénérationnelle où, finalement, les uns et les autres venaient au domicile pour faire corps dans cette douleur." (Laura Nattiez)
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