Depuis ce 9 juin, de nombreux employés entament un retour progressif au bureau. Mais le télétravail pourrait s'installer dans les us et coutumes de beaucoup d'entreprises, obligeant employeurs et salariés à mieux le définir et l'encadrer.
- Thomas Coutrot économiste et statisticien du travail, co-fondateur des Économistes atterrés.
- Bruno Mettling Président-fondateur du cabinet de conseil Topics, ex-directeur général adjoint en charge des ressources humaines chez Orange
- Leïla De Comarmond Journaliste sociale pour le quotidien « Les Echos ».
Ce 9 juin, les employés qui « télétravaillaient » jusque là à plein temps dans le cadre de la pandémie vont retourner progressivement sur leur lieu de travail.
Mais la fin du télétravail « de crise » sonne-t-elle la fin du télétravail « tout court » ? Pas si sûr. De nombreux employés ont pris de nouvelles habitudes. Pas que tous rêveraient de ne plus mettre un pied au bureau… Au contraire : ils sont nombreux, selon différents sondages et études, à préférer un modèle « mixte ». Certains se plaignent : impression de décrocher, de perdre des compétences, ou encore de maux de dos.
Pour les managers, les ressources humaines et les directions des entreprises, comme pour les syndicats, il s’agit de pointer tous les avantages et inconvénients de ce dispositif qui connaissait un accroissement timide avant la pandémie, tant en terme de production que de bien-être.
Des négociations sont en cours pour offrir au télétravail un cadre légal global. Dans les entreprises, les discussions ont parfois déjà commencé pour s’organiser.
Le télétravail va-t-il transformer certains secteurs économiques, en particulier les services, la finance et l’administration ? Certains parient déjà sur des révolutions foncières et géographiques. D’autres relativisent l’ampleur du phénomène.
Thomas Coutrot est économiste et un statisticien, chef du département condition de travail et santé à la direction de l'Animation de la recherche, des Études et des Statistiques (DARES).
Bruno Mettling est président fondateur depuis 2018 de Topics (conseil en stratégie de transformation) et ancien DRH d’Orange.
Leïla de Comarmond est journaliste sociale pour le quotidien Les Echos.
Le bilan d'un an de télétravail
Pendant la crise sanitaire, le télétravail a profité de progrès remarquable mais laisse des résultats contrastés selon les acteurs de l'entreprise.
Du côté des salariés la situation est contrastée. Certains étaient très heureux de retrouver les murs, leurs collègues, et c’est la majorité. Mais cette majorité ne doit faire oublier les 17% qui reviennent au travail avec la boule au ventre. C’est ce que nous disent les médecins et psychologues du travail, la relation aux autres et au collectif a été très affectée. Bruno Mettling
Dans notre enquête sur le travail pendant l’épidémie, on voit que les télétravailleurs ne se sentent pas particulièrement coupés de leur collectif de travail. C’est particulier parce qu’en 2007 une précédente étude pointait un isolement, une difficulté de coopérer avec ses collaborateurs. Comme si la généralisation du télétravail (chez les cadres en particulier car 60% des salariés ne sont pas du tout concernés) avait poussé à organiser la communication et la circulation de l’information de manière plus égalitaire. Thomas Coutrot
Le télétravail, une question de négociation
Leïla de Comarmond rappelle qu'il y a quelques semaines, un accord national interprofessionnel a été signé, attestant que le télétravail tient d'un double volontariat. Il pose le principe de la nécessité de le négocier dans l’entreprise. Mais cet accord n’a pas de valeurs obligatoires.
Je pense qu’il y a un focus à faire sur l’enjeu des négociations en entreprise. Qu’est ce qu’on négocie et pourquoi ? Il faut mesurer que du coté des directions, il y a un penchant pour le télétravail mais l’enjeu pour eux est de garder le pouvoir. Les salariés sont très demandeurs d'un télétravail flexible. Pour les représentants des salariés ça rend les choses difficiles. Ils sont aussi en attente de réponses à propos des frais et du choix des jours de télétravail. Leïla de Comarmond
Dans une enquête de 2017, on voyait que les salariés couverts par un accord d’entreprise sur le télétravail avaient des conditions plus satisfaisante, moins d’intensité et de débordements entre vie professionnelle et personnelle. Sans régulation collective, il peut y avoir des dérapages. Pendant la crise, le télétravail a très bien été négocié et c’est pourquoi la situation s’est moins mal passée que prévu. Est-ce que la consultation des salariés sur la pérennisation des nouvelles formes de travail va se généraliser ? Les salariés sont toujours peu consultés dans les négociations organisationnelles. Thomas Coutrot
La fin du bureau ?
Bruno Mettling explique que l’espace immobilier est le deuxième poste de charge des entreprises, après la masse salariale.
C’est pourquoi discuter de la réorganisation des espaces de travail est un enjeu considérable. Il faut donc repenser les espaces de télétravail car la pression économique des entreprises est considérable. Bruno Mettling
La question immobilière est un enjeu économique majeur. Les économies faites sur les installations et l’immobilier avec la contrepartie d’un espace flexible présente le risque pour les salariés de ne jamais rencontrer les mêmes personnes. Le collectif de travail sera finalement virtuel. Thomas Coutrot
Le « flexoffice » - le fait de ne pas avoir de bureau attribué - poussé à l’extrême, impliquerait d'être un jour au dernier étage et l’autre au premier étage avec des gens qu’on ne connait pas. Il faudrait des espaces réservés à plusieurs services, que les gens puissent se voir par service. Je trouve intéressant ce rapport à l’espace qui a changé et je ne suis pas sûre que les directions d’entreprise l’aient perçu. Leïla de Comarmond
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