Charlie, un procès pour l’histoire ?

Graffiti représentant les victimes de l'attaque de Charlie Hebdo
Graffiti représentant les victimes de l'attaque de Charlie Hebdo  ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
Graffiti représentant les victimes de l'attaque de Charlie Hebdo ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
Graffiti représentant les victimes de l'attaque de Charlie Hebdo ©AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
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C’est le premier procès organisé pour un attentat jihadiste commis en France depuis celui qui s'était tenu en 2017 pour les tueries perpétrées par Mohamed Merah cinq années plus tôt. Le procès des attentats de Charlie Hebdo s’ouvre dans une semaine.

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Dans une semaine s’ouvre le procès des attentats de janvier 2015, les attentats les plus graves que la France ait connu depuis plus d’un demi-siècle. Attendu depuis cinq ans, reporté pour cause de pandémie, il réunira quatorze accusés, près de deux cents parties civiles, une centaine d’avocats, et cinquante jours d’audience sous très haute surveillance. La cour d’appel de Paris a décidé que le procès des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher sera filmé, une première en France sur des faits de terrorisme. A quoi sert le procès Charlie ? Un procès pour qui, pour quoi ? La justice pour écrire l’histoire ? 

Pour en parler, nous recevons Denis Salas, magistrat chercheur, président de l’association pour l’histoire de la justice, auteur de La foule innocente, Desclée De Brouwer (2018), ainsi que Claire Doubliez, avocate pénaliste. Ils seront rejoints en P2 par Arthur Dénouveaux, essayiste, co-auteur de “Victimes, et après..” (Tracts, Gallimard 2019)

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Redonner la parole aux victimes, premier rôle de la justice  

Après un événement qui a déchiré à ce point la cité, le lien social, le rôle de la justice est de remettre la parole, sa fonction première, au milieu des hommes et non pas la violence. Cette fonction d'apaisement et de dialogue que la parole va rétablir va aussi jouer un rôle très important, c'est une des significations de ce procès. La fonction d'un procès équitable, c'est de ne pas donner le dernier mot à la violence guerrière. Denis Salas

" Ce procès est exceptionnel mais ne sera pas historique parce que les principaux auteurs ne seront pas là. Les attentes légitimes des parties civiles vont aboutir à une immense déception. En principe, un procès d’assises est un procès qui quelle que soit la douleur des victimes est tourné autour des auteurs. On va passer d’auteurs totalement périphériques à des victimes qui vont être au centre des débats."  Claire Doubliez

La notion de dangerosité, au cœur du procès 

" Ce qui va être perçu par les juges et l’opinion publique est le risque de reproduction de cette violence, le risque de dangerosité." Denis Salas

La dangerosité appartient à un courant général. C’est une notion qui existe à la fois dans les affaires de terrorisme mais également dans la justice au quotidien. Aujourd’hui, le critère de la sanction humainement et judiciairement c’est beaucoup plus la potentialité de dangerosité que le passage à l’acte objectif. Claire Doubliez

De l'inaction au devoir d'agir pour les victimes 

" Il faut de l’émotion, mais il ne faut pas que ça se limite à ça. Il faut avoir affaire à un vrai moment de justice, une cérémonie de parole. Pour que ça fonctionne, il faut que tout le monde puisse avoir la parole et l’utilise pour pouvoir comprendre un certain nombre de motivations des terroristes." Arthur Dénouveaux

L’important c’est de se sentir acteur du procès. Subir un attentat c’est le summum de l’inaction. La justice est le moment où la victime peut reprendre en main une certaine forme d’action. Il est important que les victimes puissent parler et participer à la justice. Arthur Dénouveaux

Que nous enseigne les précédents procès de terrorisme ? 

" Le cas de Mehdi Nemmouche (auteur de l’attentat au musée juif de Bruxelles en mai 2014) est très intéressant et il sera sûrement suivi dans le même registre par Abdeslam le 13 novembre. C'est le silence. La réponse du silence que j'avais appelé le djihad du silence. C'est-à-dire que le refus total d'entrer dans un dialogue avec la cour et avec le public." Denis Salas

La part d'humanité, elle, intervient à partir du moment où la culpabilité est établie. Et le premier des débats doit avoir lieu sur le terrain de la culpabilité. Et c'est là où l'audience sera très compliquée, parce que le rôle de l'avocat est un rôle qui est extrêmement difficile. Mais le rôle des magistrats est aussi un rôle qui, du fait du pathos général, est extrêmement compliqué. Claire Doubliez

L'importance de la reconnaissance faite aux victimes 

Je pense que le travail qui a été fait depuis trois ans et porte vraiment ses fruits. Il y a une journée, le 11 mars, de reconnaissance aux victimes du terrorisme. C'est important. Le terrorisme, c'est quelque chose qui cherche à fracturer la société. C'est bien que la société s'en souvienne [...]. Et ça, ce sont des choses qui sont importantes parce qu'elles préservent à la fois la mémoire et elles démarrent aussi un cycle de recherches et de réflexion. Peut-être que bénéfique dans la lutte contre l'aspect intellectuel du terrorisme. Arthur Dénouveaux

Vous pouvez (ré)écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

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