Comment se terminent les pandémies ?

Rue à Bangkok en Thaïlande
Rue à Bangkok en Thaïlande ©AFP - Mladen ANTONOV
Rue à Bangkok en Thaïlande ©AFP - Mladen ANTONOV
Rue à Bangkok en Thaïlande ©AFP - Mladen ANTONOV
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Voilà désormais dix jours que le confinement a pris fin. Dix jours que nous pouvons nous déplacer de nouveau. Mais l’épidémie n’est pas vaincue. Et la liberté à laquelle nous reprenons goût n’est encore que partielle. Quand prend fin une épidémie ? Nous en parlons ce matin avec Frédéric Keck.

Avec
  • Frédéric Keck Anthropologue, directeur du Laboratoire d’anthropologie sociale au CNRS

Il est sans doute trop tôt pour parler de fin tant l’épidémie et le virus continuent d’être présents dans nos vies. Mais rien ne nous empêche d’imaginer ce dénouement. Souvenez-vous, c’était il y a maintenant plus de dix ans. Nous étions en août 2009 lorsqu’une pandémie de grippe A partait du Mexique pour se répandre aux quatre coins du globe. Un an plus tard la pandémie disparaissait, pas le virus. Voici un épisode dont émane désormais un souvenir lointain dans nos esprits. Quand savons-nous qu’une épidémie arrive à son terme ?  Comment ce virus bouleverse-t-il l’équilibre de la vie ? 

Pour répondre à ces questions, Frédéric Keck, chercheur au CNRS, directeur du laboratoire d’anthropologie sociale, auteur de "Les sentinelles des pandémies : chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la Chine" (Zones sensibles, 5 juin 2020) est l'invité des Matins.

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J'ai mené des recherches à Hong Kong, Taïwan et Singapour entre 2007 et 2013, notamment sur la grippe aviaire comme révélatrice des relations de ces trois territoires avec la Chine. 

Les zoonoses, révélateur de notre rapport aux animaux

"J'ai comparé les épidémies à un mythe, au sens de Claude Lévi Strauss, en partant des transformations locales, pour montrer que chaque pandémie révèle les relations entre les hommes et les animaux. La pandémie permet de faire des études locales, de l'ethnographie, sur des lieux précis".

La grippe aviaire, depuis 1997, date de la rétrocession de Hong Kong, colonie britannique, à la Chine, a profondément modifié les relations entre les hommes et les oiseaux. Les migrants chinois arrivés dans les années 50 étaient ravis d'avoir des poulets en basse cour, on en trouvait dans les cours des immeubles. Aujourd'hui, ce n'est plus possible. Par ailleurs, il ne reste plus que 30 fermes de volailles alors que Hong Kong, dans les années 50, était un grand pourvoyeur du marché américain, qui ne pouvait pas s'approvisionner sur le marché chinois car il y avait un embargo. Si on regarde du coté des oiseaux sauvages, ils sont désormais très contrôles, pour acheter des oiseaux d'ornement, de combat, ou encore pour des pratiques rituels. Les réserves où les ornithologues observent les oiseaux sont très régulées par le gouvernement.

"La grippe mute chez les animaux sauvages, notamment chez les canards, mais elle se répend dans les élevages de volailles, dont le nombre a été multiplié par cent ces trente dernières années. Il y a un facteur d’émergence qui est le réservoir sauvauge et un facteur d’amplification qui est l’élevage industriel. C'est ce double facteur qui fait que c'est un lieu d'émergence pour le virus de la grippe".

Une nouvelle sociabilité ?

"L'usage du masque change notre rapport à l'espace public. Depuis le débat sur le foulard islamique, qui a ses racines dans la conception républicaine et révolutionnaire de l'espace public, un citoyen doit se présenter le visage nu dans l'espace public. C'est l'illustration de la transparence du sujet face au pouvoir".

En Europe, on est habitué à deviner les intentions d'autrui avec le mouvement des lèvres. En Asie, on a plutôt l'habitude de regarder les yeux. Les yeux sont beaucoup plus expressifs que les lèvres. C'est ce que l'on voit dans les mangas. Il va falloir appendre à interagir avec autrui sur les signes qu'il nous envoie avec les yeux. 

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