

Depuis quelques jours, le sujet des "méga-bassines" divise, des manifestations ont eu lieu fin octobre à Sainte-Soline en Nouvelle-Aquitaine. Depuis plusieurs mois, la guerre en Ukraine soulève des questions sur l'approvisionnement alimentaire.
- Philippe Chalmin Professeur d'économie à l'université de Paris Dauphine.
Quelle menace la crise de l'eau et la guerre en Ukraine font-elles peser sur la souveraineté alimentaire française ? Pour répondre à cette question, Guillaume Erner reçoit Nadia Carluer, hydrologue à l’Institut National pour la Recherche en Agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) Auvergne-Rhône-Alpes, et Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à l’Université Paris-Dauphine, spécialiste des matières premières.
Les méga-bassines, un système de retenue d’eau qui répond à des problématiques locales
Pour Nadia Carluer, les méga-bassines correspondent à "un type de retenue d’eau comme on en trouve depuis très longtemps dans le paysage agricole" et "se sont développées pour stocker l’eau des nappes en hiver pour pouvoir diminuer les prélèvements d’eau en été."
D’après l’hydrologue à l’Institut National pour la Recherche en Agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), "l’un des inconvénients de ce système est qu’on met l’eau à l’air libre, ce qui provoque une évaporation non négligeable." Cette pratique agricole ne doit pas être considérée comme la seule alternative, d’après Nadia Carluer, qui met en avant le fait que ces systèmes de retenues d’eau sont parfois envisagés comme "une solution de première intention, sans prendre le temps de mener une concertation à l’échelle du territoire pour faire le point sur les ressources disponibles et sur les ressources qui resteront disponibles" dans le contexte du réchauffement climatique que nous vivons.
La fin annoncée d’un modèle agricole productiviste
D’après Nadia Carluer, "on se rend bien compte après un été comme celui que l’on a vécu que l’agriculture doit parfois être irriguée" et précise qu’en France, "on a le droit de remplir ces bassines qu’à la condition que la nappe phréatique atteigne un certain niveau de remplissage." Toutefois, pour l’hydrologue, les infrastructures dédiées à la retenue d’eau et à l’irrigation agricole sont déjà très importantes dans l’Hexagone, et pourraient limiter l’usage des méga-bassines. Elle explique que l’"on compte au moins 600 000 plans d’eau installés dans les années 1970 ou 1990 quand les agriculteurs étaient encouragés à en mettre." Pour Nadia Carluer, on arrive aujourd’hui "au bout d’un système d’agriculture productiviste" et "il y a lieu de se questionner sur les cultures que l’on veut produire" au regard de leurs besoins en eau.
Privilégier une souveraineté alimentaire française ou européenne dans le contexte de la guerre en Ukraine
Pour Philippe Chalmin, la France est armée pour être souveraine dans sa production alimentaire : "s’il y a un pays qui n’a pas ce problème, qui ne soit pas directement affectée par les conséquences de la guerre en Ukraine, c’est bien la France." Pour lui, la question de l’accès à l’alimentation doit être posée au niveau mondial, puisque le vrai défi est aujourd’hui de réussir à "maintenir des rendements agricoles suffisants pour satisfaire les besoins de la population mondiale." A l’échelle française, "la question de la souveraineté alimentaire ne se pose pas véritablement" puisque "nous sommes le plus grand producteur de céréales d’Europe."
Cependant, poursuit le professeur d'économie à l'université de Paris Dauphine, "nous avons été directement touchés par la hausse des prix induite, en 2021, par l’importance des achats de la Chine, puis, en cette année 2022, par l’invasion de l’Ukraine" qui a induit l’augmentation des prix de certains produits alimentaires comme l’huile de tournesol. De plus, Philippe Chalmin précise que la France est certainement moins compétitive sur un certain nombre de productions animales que d’autres pays d’Europe.
L’importance de la Chine dans la demande alimentaire mondiale
Contrairement à l’Inde qui compte une part significative de citoyens qui ne mangent ni viande ni volaille, la Chine continue de tirer la demande alimentaire mondiale vers le haut. Philippe Chalmin explique ainsi qu’"en 2019, la Chine avait importé un peu moins de vingt millions de tonnes de céréales, et en 2021, soixante millions de tonnes" soit une hausse de 200 %. Et ce niveau exceptionnel est en passe de se maintenir en 2022, précise le professeur d'économie, qui postule que le facteur majeur de la flambée des prix agricoles, "c’est la Chine, avant que ce ne soit la guerre en Ukraine."
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