Depuis que la Turquie a ouvert vendredi ses frontières avec l’Europe, plusieurs milliers de migrants ont afflué vers la Grèce. Après l'aggravation de la situation à Idlib en Syrie, Ankara estime être dans l’incapacité de faire face à une nouvelle vague migratoire.
- Didier Billion Directeur adjoint de l’IRIS, auteur notamment de « Géopolitique des mondes arabes », ed. Eyrolles.
- Bernard Kouchner Médecin, homme politique
La Turquie, qui accueille 3.7 millions de migrants et réfugiés, reproche à l’Union européenne de ne pas vouloir "partager le fardeau" de la crise migratoire. Le gouvernement turc cherche aussi un appui en Syrie où il a lancé une opération militaire contre le régime de Bachar al-Assad, après avoir essuyé de lourdes pertes. Alors que Recep Tayyip Erdogan agite la menace de l’arrivée de "millions" de migrants en Europe, plusieurs dirigeants européens dénoncent un "chantage inacceptable".
Hier, la présidente de l'Union européenne Ursula von der Leyen, a promis à Athènes "toute l'aide nécessaire" pour faire face à l'afflux de milliers de migrants venant de Turquie. Une réunion extraordinaire des ministres de l’Intérieur de l’UE se tient aujourd’hui à Bruxelles pour aider la Grèce et la Bulgarie.
L’ouverture des frontières turques va-t-elle mettre à l’épreuve l’unité de l’Union européenne ? Quelles sont les issues possibles à la crise migratoire qui se joue en Europe ?
Pour nous en parler, nous recevons Didier Billion, directeur adjoint de l’IRIS, auteur notamment de « Géopolitique des mondes arabes », paru aux éditions Eyrolles.
Il est rejoint en deuxième partie d’émission par Bernard Kouchner, médecin, cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre de la Santé.
La frontière turco-grecque à l'orée d'une nouvelle crise migratoire pour l'Union Européenne ?
"Un tiers de la population (syrienne), c'est-à-dire à peu près 1 million de personnes font mouvement vers la frontière turque et se massent à cette frontière. Les Turcs ont décidé de bloquer la frontière. Vous me direz quel est le rapport entre les deux éléments? Parce qu'en Turquie même, il y a déjà 3,6 millions de réfugiés et qu'Erdogan exerce un chantage insupportable. On peut le concevoir, c'est-à-dire en ayant peur, s'inquiétant d'un nouvel hypothétique afflux de réfugiés venant de Syrie, de la province d'Idlib. Mais il a décidé d'ouvrir ses frontières sur le nord de la Turquie en disant à Messieurs les Européens, débrouillez-vous et prenez votre part de responsabilité." Didier Billion
"Monsieur Erdogan considère que les Européens se sont un peu débarrassés de ce problème des réfugiés, que l'accord de 2016 leur a permis de mettre la poussière sous le tapis. Sauf qu'aujourd'hui, le problème se repose et crée la panique au sein des instances européennes. Nous avons vu hier des déplacements de dirigeants européens à la frontière gréco-turque [...] car les Grecs ne pourront pas gérer cette crise tout seul." Didier Billion
Début d'un bras de fer entre la Poutine et Erdogan?
Il y a eu un accord entre les Turcs et les Russes en septembre 2018 à propos d'Idlib. Ce sont les accords de Sotchi . Monsieur Erdogan avait accepté d'être responsable de la démilitarisation de la région. [...] L'enjeu, c'était justement de pouvoir avoir un rôle dans la solution politique négociée en Syrie. son obsession, c'est de ne pas être marginalisé. Didier Billion
" C'est la victoire de Monsieur Poutine. [...] Nous sommes désarmés. J'espère qu'on va pouvoir trouver un consensus sur les accords de Dublin, et que l'on va accepter un nombre raisonnable de réfugiés, de demandeurs d'asile." Bernard Kouchner
Une crise migratoire, symbole de la fragilité des institutions européennes
L'ONU a déclaré il y a quelques jours que la situation à Idlib est la pire que la Syrie n'a jamais connue depuis neuf ans. D'un point de vue humanitaire, et pourtant, la Syrie a beaucoup souffert. Didier Billion
" C'est à nous, Européens ou ce qu'il en reste, de prouver que les gens ne peuvent pas seulement mourir de froid en ce moment." Bernard Kouchner
J'ai toujours pensé que l'humanitaire et la politique devaient marcher ensemble. Vous n'avez pas de solution humanitaire en ce moment avec ces gens qui, depuis plusieurs années sont réfugiés en Turquie. [...] Et pendant ce temps-là, on (l'Union Européenne) a essayé d'acheter Monsieur Erdogan. Ça a marché un petit moment, ça ne marchera plus. Moi, je pense qu'il faut parler avec M. Poutine, c'est la seule solution .Bernard Kouchner
"Le premier devoir dans nos pays est de dire ce ne sont pas nos ennemis (les réfugiés syriens). Ce sont des gens qui fuient nos ennemis. Bernard Kouchner
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