

La crise sanitaire peut-elle se muer en crise de la confiance politique ? Avec le politologue et directeur du CEVIPOF Martial Foucault, ainsi que la politologue associée à la Fondation Jean Jaurès, Chloé Morin.
- Martial Foucault Professeur de sciences politiques et directeur du Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po
- Chloé Morin Associée à la Fondation Jean-Jaurès et spécialiste de l'opinion publique, ancienne conseillère en charge de l'opinion publique au sein du cabinet du Premier ministre de 2012 à 2016.
A l’heure où la pandémie semble montrer les limites de l’action politique sur la maîtrise de nos vies, le doute sur la capacité des gouvernements à gérer une crise aussi inédite s’installe. En France, les polémiques sur les stocks de masques, de tests, et maintenant sur la stratégie de vaccination, n’arrangent rien.
Et pourtant, si l’état d’urgence sanitaire suspend le cycle ordinaire de la vie politique, de nouvelles échéances électorales se profilent : avec les élections régionales et départementales cette année, et les présidentielles en 2022. D'ici là, la crise sanitaire va-t-elle virer à la crise de confiance politique ?
Nous en parlons ce matin avec le politologue et directeur du CEVIPOF Martial Foucault, ainsi que la politologue associée à la Fondation Jean Jaurès, Chloé Morin.
Chloé Morin :
Il y a certaines constantes dans la façon dont l’exécutif gouverne depuis le début de cette crise. Et notamment, un déficit dans la capacité à réagir, à corriger les choses et à entendre les oppositions.
Il y a aussi un problème soulevé par la perspective des prochaines élections régionales, dont le Gouvernement a remis l’organisation à juin ou éventuellement plus tard, et cela sans que personne ne proteste. Nous en sommes à ce point : ne plus trouver d’argument pour défendre des élections. C’est frappant en ce que cela dit de notre distance à la démocratie.
Martial Foucault :
La situation politique de la France est commune à d’autres démocraties. Nous avons connu trois périodes depuis mars : l’état d’urgence sanitaire – auquel les opinions n’étaient pas prêtes -, la résilience – qui impliquait d’apprendre à fonctionner sous de nouveaux rapports sociaux et politiques -, et la période actuelle d’incertitude – qui demande quand tout cela va se terminer. C’est d’autant plus vif que nous entrons maintenant dans une période pré-électorale.
Nous sommes sortis d’une séquence contestataire – les Gilets jaunes – pour entrer dans une période où ces espaces d'expression alternatifs ont été mis sous cloche. On a l’impression que le peuple se retrouve désormais face au Gouvernement, sans capacité d’exprimer d’autres choix. Ce qui manque aujourd’hui dans l’expression des oppositions, ce sont les moments de démocratie électorale.
Chloé Morin :
Le sujet de l’acceptabilité sociale des mesures est devenu une obsession pour le Gouvernement. C’est d’ailleurs ce qui explique l’erreur sur le démarrage de la stratégie vaccinale. Le Gouvernement a trop intégré les contraintes et les peurs individuelles.
Pendant le premier confinement, une fenêtre s’était ouverte, et chacun projetait ses espoirs : c'était le « monde d’après ». Emmanuel Macron a refermé cette fenêtre avec le remaniement. On ne pourra pas critiquer la gestion du Covid tant qu’une majorité de citoyens se dit qu’ailleurs, la situation n’est pas meilleure, et que les oppositions n’auraient pas nécessairement fait mieux que le pouvoir en place.
Martial Foucault :
En général à l’issue d’une crise, le pouvoir sortant est sanctionné par les électeurs. Cette fois-ci je suis plus modéré, je pense que l’exécutif pourra s’en sortir en disant que les choses auraient pu être pires. Je ne vois pas les forces de gauche expliquer qu’un autre modèle doit émerger de cette crise. On voit certes des batailles autour du mode de gestion, mais qui est capable de construire un nouvel espace politique ?
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