De Mussolini à Salvini, la fabrique des populistes

Benito Mussolini s'adressant à la foule lors de la Déclaration de l'Empire italien le 9 mai 1936
Benito Mussolini s'adressant à la foule lors de la Déclaration de l'Empire italien le 9 mai 1936 ©Getty - George Rinhart
Benito Mussolini s'adressant à la foule lors de la Déclaration de l'Empire italien le 9 mai 1936 ©Getty - George Rinhart
Benito Mussolini s'adressant à la foule lors de la Déclaration de l'Empire italien le 9 mai 1936 ©Getty - George Rinhart
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Comment l'Italie est-elle devenue un foyer majeur du populisme ?

Avec
  • Antonio Scurati Professeur de littérature comparée et d’écriture créative
  • Marc Lazar Professeur émérite à Science Po, président de la School of government de la Luiss à Rome

Le populisme et l’Italie, une histoire d’amour qui n’en finit plus de durer. De Mussolini à Berlusconi en passant par Salvini, le pays est l’un des foyers majeurs du populisme européen. Revenons un siècle en arrière. En 1920, le pays sort meurtri par les batailles menées lors de la Première Guerre Mondiale. Les mouvements sociaux sont nombreux et le pouvoir politique vacille. Cinq ans plus tard, Benito Mussolini est à la tête d’un régime fasciste et devient le Duce, le guide du peuple transalpin. 

Notre invité du jour, le romancier Antonio Scurati professeur de littérature comparée et d’écriture créative revient dans son ouvrage “M, l’ennemi du siècle” aux éditions Les Arènes sur ces cinq années qui ont fait basculer l’Italie dans l’une des dictatures les plus symboliques du XXème siècle. Il est accompagné par Marc Lazar, directeur du Centre d’histoire de Sciences Po, spécialiste de l’Italie contemporaine et auteur de “Peuplecratie. La métamorphose de nos démocraties” aux éditions Gallimard 

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L'essor du populisme au XXIème siècle 

La question est de savoir s’il y a une corrélation entre populisme et fascisme. On avait tendance à penser que le fascisme était le pouvoir d'un homme, Mussolini et le pouvoir de l'Etat tout puissant. Oui, il y a un anti-parlementarisme qu'on connaît d'ailleurs aussi dans beaucoup d'autres pays, notamment en France. C'est une des composantes du fascisme. C'est aussi une des composantes du populisme. Pour autant, je ne pense pas qu’actuellement, le populisme est une résurgence du fascisme. Mais ça, c'est un vrai débat. Il y a une grande controverse historique. Marc Lazar

" Je pense qu'il est un peu un malentendu par rapport à ce risque populiste. Ceux qui comparent le fascisme au populisme voient la menace de l’arrivée du populisme dans un futur assez proche. C’est une manière de ne pas voir le problème pour ce qu’il est. Nous avons déjà des partis populistes constituant la majorité gouvernementale. Donald Trump, Jair Bolsonaro sont des hommes d’état populistes." Antonio Scurati

" Un électeur italien sur quatre vote pour le moment pour la ligue de Matteo Salvini. Donc, pour résumer, malgré un recul de popularité de son parti et de lui-même, Matteo Salvini et sa formation restent toujours les  premiers dans les intentions de vote en Italie." Marc Lazar

Mussolini, de paria à leader incontesté 

Mussolini était un homme qui avait un grand talent pour la politique. La force principale de Mussolini était le vide. Il a pratiqué la suprématie tactique du vide. C’est un homme qui a été évincé du parti socialiste et il cherchait sa route pour accéder au pouvoir. Il n’avait aucune idée à lui, il n’avait aucune fidélité et trahissait tout le monde. Mais cela lui a permis le triomphe en politique. Il avait un flair bestial. Il est l’archétype du leader populiste d’aujourd’hui. Il n’est pas un visionnaire mais il arrive à ressentir les humeurs des foules. Antonio Scurati

" Aux élections de 1919, il obtient uniquement 4 000 voix. Donc c’est un échec considérable. En 4 ans, il arrive à organiser la marche sur Rome et prendre le pouvoir. Il a utilisé la violence pour arriver à ses fins. Mais si on devait résumer tout cela dans une seule formule, ce qui a permis à Mussolini d'arriver au pouvoir, le mot est peur." Antonio Scurati

Le fascisme, un laboratoire du totalitarisme ?

Le régime fasciste a pu être considéré comme un régime qui n'était pas si agressif que ça. Et pendant longtemps, en Italie d'abord, on a considéré qu'il fallait refermer cette parenthèse. Ça a été une parenthèse dans l'histoire de l'Italie. Il y a eu un refoulement aussi venu des antifascistes qui ont une part de responsabilité, notamment les communistes, mais aussi des démocrates chrétiens, parce qu'ils ont expliqué que le fascisme était tout simplement une sorte d'appendice de l'Allemagne nazie. Et depuis un demi-siècle avec le travail fait par certains historiens, on a considéré qu'à la différence de ce qu'on pensait, le fascisme avait été l'un des grands laboratoires du totalitarisme. Marc Lazar

Les populistes et l'importance du corps 

" Le fascisme a été violent dès le début. Mussolini a inventé une milice paramilitaire. Mais il a eu les capacités de séduire les foules et d’utiliser les règles du jeu démocratique contre la démocratie. Il a eu cette capacité de mettre le corps au centre de la scène politique. Cela a été un moyen pour Mussolini de communiquer avec le peuple. La communication par le corps est souvent plus efficace que la raison." Antonio Scurati

" Mussolini a compris l’importance du cinéma. Le corps de Mussolini, c'est le corps, me semble t il, de quelqu'un qui veut montrer sa stature virile, qui est une forme d'exemple. Mussolini à la fois aime le peuple et se lamente des défauts de ce peuple italien qui veut rééduquer. D'où l'importance, évidemment, de l'éducation fasciste." Marc Lazar

Vous pouvez (ré)écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

Le Journal de l'histoire
3 min

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