Derrière la réforme des retraites, le coût de la dette et le poids des marchés ?

Rattanasiri Inpinta / EyeEm
Rattanasiri Inpinta / EyeEm ©Getty - Rattanasiri Inpinta / EyeEm
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La dette publique française a explosé ces dernières années et se rapproche inexorablement du cap symbolique des 3 000 milliards d'euros. Présentée comme un outil pour redresser les comptes publics, la réforme des retraites sera-t-elle suffisante ?

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Le total des retraites, en France, ne représente actuellement pas loin de 350 milliards d’euros” indique François Ecalle, ancien magistrat à la Cour des comptes. “Cela correspond à 14 % du PIB. Une autre façon aussi d’apprécier le poids des retraites est de dire que c’est à peu près le quart du total des dépenses publiques, soir les dépenses de l'État, de la sécurité sociale, des collectivités locales etc… C’est beaucoup. Est-ce que c’est trop ? C’est là la question. Il n’y a pas de réponse évidente. Le problème est que pour financer toutes ces dépenses publiques, que ce soit les retraites ou les dépenses d’éducation ou d’assurance maladie, il faut lever des impôts et des cotisations sociales, c'est-à-dire des prélèvements obligatoires.”

Les retraites, première dépense de l’État français

François Ecalle estime que si le poids des retraites en France est plus élevé qu’ailleurs, "c'est parce que d’une part, nous partons plus tôt que les autres à la retraite. Et comme par ailleurs, nous avons une espérance de vie plus élevée que la moyenne, les Français passent globalement plus de temps à la retraite que dans les autres pays."

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Rassurer les marchés, urgence réelle ou priorité politique ?

Face à l'explosion de la dette, le gouvernement d’Emmanuel Macron a fait le choix de rassurer les marchés en reculant l’âge de départ légal à la retraite. Pour Jézabel Couppey-Soubeyran, “c’est un choix de société, c’est un choix politique. Le problème est qu’aujourd’hui des priorités s’effacent derrière des contraintes, derrière des pressions qui sont directement liées au mode de financement des États. Quand on se finance sur les marchés, on se soumet aux diktats des marchés".

"Cette réforme des retraites est un peu un signal envoyé aux marchés, un signal de rigueur budgétaire. C’est pour cela d’ailleurs que plutôt que de concilier différents leviers, le gouvernement français préfère tout miser sur un message clair : le recul de l’âge légal à 64 ans.” L’économiste estime qu’il existe “des alternatives au financement des États. On pourrait très bien revenir sur cette interdiction inscrite pour les banques centrales d’apporter une assistance financière directe aux États. Si ces derniers retrouvaient cette possibilité, les pressions ne seraient pas du tout les mêmes. On définanciariserait considérablement notre économie. Or, ce dont on pâtit aujourd’hui en société, c'est précisément d’un excès de financiarisation.”

De son côté, François Ecalle insiste sur le poids des marchés financiers, “ des banques, des compagnies d’assurance vie, des fonds de pension, (...) qui prêtent de l’argent reçu de leurs clients. Ces organismes financiers espèrent bien le récupérer, et font donc très attention à l'évolution des dettes des pays auxquels ils prêtent. Si cette dette augmente de manière incontrôlée, ils prennent un risque. Au bout d’un moment, ils ne veulent plus prêter. Ce n’est pas théorique : c’est ce qui est arrivé au Royaume-Uni il y a trois mois. Les dépenses publiques, c’est payé en argent sonnant et trébuchant, et cela doit être financé par de l’argent sonnant et trébuchant, c'est-à -dire des impôts et des cotisations sociales.

Valoriser le travail non-marchand

Jézabel Couppey-Soubeyran considère qu'“il faut se préoccuper du non-marchand. Mais c’est tout le contraire qui se produit, tout se marchandise. Tout ce qui pourrait avoir une valeur sociale, quand on marchéise tout, n’a plus du tout de valeur. Dans le cadre de cette réforme des retraites, on ne se préoccupe que des coûts d’équilibre budgétaire. On ne se préoccupe pas du tout de la vie des gens, du bien-être, de ce que des seniors peuvent, une fois à la retraite, apporter à d’autres, plus jeunes ou moins jeunes.

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