10 ans après le départ de Zine el-Abidine Ben Ali, et alors que la Tunisie est en proie à une crise institutionnelle, politique et économique, quel bilan pouvons-nous dresser de celle qu’on nommé la "Révolution de jasmin" ? La révolution fait-elle encore rêver ?
- Hamadi Redissi Professeur à la Faculté de droit et de sciences politiques de Tunis.
- Yadh Ben Achour juriste et universitaire tunisien
- Henda Chennaoui Journaliste, militante féministe
Il y a 10 ans jour pour jour, Mohamed Bouazizi, vendeur ambulant de 26 ans, s'immolait par le feu dans la ville de Sidi Bouzid, en Tunisie, après s'être vu confisquer ses outils de travail. Ce sera l’étincelle qui mettra le feu aux poudres. Une vague de contestation gagnait le pays, mais aussi dans ceux voisins, faisant naître un véritable "printemps arabe". Seul Etat du « Printemps arabe » à n'avoir pas subi de restauration dictatoriale ni sombré dans le chaos, la Tunisie s’apprête à fêter ce dixième anniversaire sans tambour ni trompette, puisqu’un confinement a été annoncé ce jeudi-même.
Avec :
Yadh Ben Achour, juriste, spécialiste de droit public et des théories politiques islamiques. Élu Professeur au Collège de France.
Hamadi Redissi, professeur à la Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis
Karim Ben Smaïl, directeur de la maison d’édition Cérès.
Henda Chennaoui, journaliste, militante féministe
Il y a 10 ans, la surprise de Yadh Ben Achour
Cela a commencé le 15 janvier au matin, le lendemain du départ de Ben Ali, j'ai été appelé par les services du Premier Ministre pour fixer un rendez-vous l'après-midi. Après quelques péripéties à cause des troubles de l'époque à Tunis, je me suis rendu au premier ministère. C'est là que j'ai appris la constitution des trois commissions, notamment la Commission de réforme politique, qui devait être une commission simplement chargée de la révision de la Constitution et du toilettage des grandes lois qui encadrent la vie publique. Mais elle deviendra par la suite avec le changement de cap, sous la pression de la rue, la haute instance de réalisation des objectifs de la révolution.
"Puis les mouvements populaires ont continué dans toutes les villes de Tunisie, demandant de nouvelles élections. A partir du mois de mars, nous avons complètement changé de cap et nous avons commencé à travailler pour fabriquer en quelque sorte une nouvelle loi électorale pour l'élection d'une assemblée constituante et pour organiser le feu pour mettre sur pied une organisation provisoire des pouvoirs publics. Et ça a duré jusqu'à deux ans, aux élections du 23 octobre 2011."
Il y a dix ans, nous étions à Tunis et les tunisiens se rendaient pour la première fois dans les urnes.
Voici ce qu’en disait Yadh Ben Achour :
Yadh Ben Achour "Les gens avaient une joie intérieure, une joie intérieure, une sorte d'exaltation interne jamais ressentie auparavant"
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De la révolution à la désillusion
La désillusion est très vite arrivée. On s'est trouvé devant plusieurs obstacles qui nous ont empêché de satisfaire les demandes de la révolution. Les demandes de la révolution, "dignité, liberté, travail" sont restées suspendues devant une élite politique et économique complètement incompétente. Henda Chennaoui
Les étals itinérants sont encore là et pour Soltan, rien n’a changé. Il regrette même le temps d’avant.
Nostalgie de Ben Ali
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Une incompréhension tout particulièrement dans la nouvelle génération
"Qui sont les jeunes de cette génération ? Quand la révolution est arrivée, ils avaient une dizaine d'années. Ils ne se rappellent pas très bien ce que c'est la dictature. Bien pour eux, la révolution est quelque chose d'énigmatique. Ils ne savent pas pourquoi les Tunisiens étaient dans la rue. Pourquoi il y avait des martyrs, des blessés ? Pourquoi on a sacrifié cette prétendue stabilité pour un désordre total ? Et pourquoi tenter de faire quelque chose de nouveau ?" Henda Chennaoui
Le 14 janvier 2021 est un jour de fête ?
La révolution, une fête ou pas ?
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Un bilan mitigé au bout de dix ans
Il faut le dire avec vigueur : la Tunisie est un pays libre. Les gens jouissent d'un bien précieux qu'on appelle la liberté. Deuxièmement, aujourd'hui, la Tunisie, après quatre élections, est un pays démocratique : des élections loyales, transparentes, non contestées ont été organisées. Hamadi Redissi
"A partir de là, on peut quand même commencer à réfléchir sur des désillusions qui se sont se sont emparées des Tunisiens." Hamadi Redissi
Un élément très important est que les gagnants et les perdants ne sont pas les mêmes. Ceux qui sont contents de la révolution sont les intellectuels, les journalistes, les partis politiques, les élus, les artistes. Il y a aussi les perdants. Et ce déséquilibre s'est aggravé depuis 2011. Hamadi Redissi
Un renouveau culturel et intellectuel
Jamais il n'y a eu autant d'essais politiques et d'essais sociologiques en Tunisie. Dans l'édition tunisienne, enfin, nous pouvons parler de notre société. Enfin, nous pouvons parler des acteurs de cette société et les textes abondent. Il y a un renouveau dans l'édition tunisienne, également dans la fiction. Un renouveau que nous attendons depuis des décennies, depuis très longtemps. Karim Ben Smaïl
"Ce dynamisme nouveau est malheureusement absolument pas accompagné par les autorités culturelles. Si l'édition n'est pas accompagnée et soutenue par des structures étatiques, c'est difficile de se développer. La corruption est endémique également au niveau des soutiens ministériels à la culture. Nous n'avons toujours pas de ministre de la culture. C'est une situation qui perdure depuis des mois et qui est unique dans l'histoire de la Tunisie. Et on peut dire que depuis une dizaine d'années, la culture est le parent pauvre de la révolution." Karim Ben Smaïl
Révolution du jasmin, c’est le nom que l’on a donné à la révolution tunisienne.
Un artisan parfumeur explique d’où vient cette expression.
Une révolution qui ne sent pas vraiment le jasmin
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