À l’heure de la pandémie, de la lutte contre le réchauffement climatique et du renouvellement des mobilisations des sociétés civiles dans le Sud, quelle philosophie pour l’aide publique au développement de demain ?
- Rémy Rioux directeur général de l’Agence française de développement
L’aide au développement, c’est “l’ensemble des financements apportés par les acteurs publics des pays les plus favorisés pour améliorer les conditions de vie dans les pays moins favorisés”, dixit l’Agence française de développement (AFD), qui fête cette année ses 80 ans.
Mais derrière cette définition ouverte et un brin abstraite, les sujets d’actualité brûlants, les thématiques politiques affleurent, à l’intersection de la technique et de la philosophie.
Quel développement à l’heure de la lutte contre le réchauffement climatique ? Comment s’assurer que le soutien financier aux pays du Sud ne vienne pas grever pas les États ? Quelles différences fondamentales entre un don et un prêt ? L’aide au développement, même vertueuse dans sa volonté, peut-elle avoir des effets pervers et favoriser le maintien de relations de dépendance ?
Alors que les débats sur le poids des structures héritées de la colonisation et de la permanence de rapports de domination entre le Nord et le Sud connaissent un nouveau souffle, et que la défiance anti-française explose dans la région sahélienne, le sujet de l’aide au développement redevient brûlant.
Et quelle aide au développement pour demain ? La philosophie de cette dernière n’a cessé d’évoluer avec les années et les contextes politiques, passée des années 1960 à nos jours de l’idée du “rattrapage”, au principe plus modeste de réduction de la pauvreté, en passant par un alignement sur les intérêts des donneurs et les politiques d’ajustement structurel.
Rémy Rioux, à la tête de l’AFD depuis 2016 ne cache pas que l’aide au développement n’est pas un sujet froid, cantonné à des considérations techniques. Féru de sciences humaines, il n’ignore pas la complexité du domaine qui est le sien et va jusqu’à interroger des sujets comme celui de la réparation.
Présentation de l’Agence française de développement
Que ce qu’est l’AFD ?
L’AFD est une institution financière qui apporte 12 milliards d’euros de financement pas an dans 115 pays du monde. On a la capacité de faire des prêts à une taille importante. On est aussi une agence, c’est-à-dire qu’on peut gérer des moyens en subventions d’interventions rapides pour les pays qui ne peuvent pas s’endetter. L’AFD a une capacité très complète d’agir dans les économies africaines et bien au-delà.
Que finance l’AFD aujourd’hui ?
Au Cameroun par exemple, on est capable de financer à la fois le très grand barrage de Nachtigal qui va emmener 420 MW supplémentaires d’énergie à la ville de Yaoundé avec un canal dont le débit fait trois fois celui de la Seine. Et en même temps, depuis douze ans on fait de la formation des jeunes agriculteurs et d’entreprises dans une plantation cacaotière pour les emmener jusqu’aux marchés.
Financements et politique
Les financements et les prêts de l’AFD ne sont pas nécessairement accordés à des régimes démocratiques. Comment penser le lien entre ces financements et leur potentiel rôle politique ?
Il faut aller dans ce terrain-là, mais certainement pas en donneurs de leçons, en expliquant qu’il faut avoir les mêmes institutions que la République française. Il faut y aller vers le bas, c’est-à-dire qu’il faut essayer de pousser chaque projet de développement jusqu’aux droits humains. En Turquie par exemple, on fait des lignes de crédits avec des banques pour faciliter l’entreprenariat féminin. La condition pour accéder au financement est d’avoir un plan pour appuyer la place des femmes dans les entreprises.
Une critique fréquemment adressée à ce type d’aides financières est de pointer du doigt leur dimension néo-coloniale. Que répondre à ce type d’accusations ?
L’AFD et ses institutions sont du côté des autres en tant que nos semblables. On passe toujours par des maitrises locales par exemples. Le projets sont mis en place par des acteurs locaux que nous faisons monter en compétences.
L’AFD peut-elle aller à rebours des intérêts français ?
Les financements de l’AFD sont déliés, c’est-à-dire que ce ne sont pas forcément des entreprises françaises qui reçoivent les financements. On fait des appels d’offres auxquels toutes les entreprises locales ont accès.
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