Moteur de l’UE érigé en modèle de rigueur budgétaire et de dynamisme économique, le modèle allemand pourrait être à la fin d’un cycle.
- Daniel Cohen Économiste et directeur du département d'économie de l'École Normale Supérieure, Président de l'Ecole d'Economie de Paris
Il en va normalement de l’économie européenne comme du football : en général ce sont les allemands qui gagnent à la fin. C’est donc avec étonnement que les analystes ont découvert que la croissance française venait de dépasser celle de nos voisins d’outre-rhin. Moteur de l’UE érigé en modèle de rigueur budgétaire et de dynamisme économique, le modèle allemand pourrait être à la fin d’un cycle. Peut-être de quoi bouleverser quelques idées reçues sur les recettes de la croissance. Pour en discuter aujourd’hui dans Les Matins de France Culture, Guillaume Erner reçoit Daniel Cohen
Croissance et chômage :
La France perd inexorablement des parts de marché… elle n’a pas réinventé son industrie (automobile) comme l’a fait l’Allemagne… La contrepartie, c’est qu’on est moins perméables aux aléas internationaux. Daniel Cohen.
Ce dont on se réjouit, c’est que la France fera cette année une croissance autour de 1,4% ; 1,5%, ce qui n’est pas extraordinaire non plus. Daniel Cohen.
8,6%. C’est le taux de chômage envisagé en 2019. Le chômage va se réduire de 0,2% en 0,2% et non de 1% en 1% et c’est intimement lié au fait que nos économies n’ont plus de jus, n’ont plus de dynamisme avancé. Daniel Cohen.
Aujourd’hui, on crée environ 150 000 emplois par an, en 2017, on en créait 300 000. Les effets sur l’emploi sont beaucoup plus lents qu’en 2017, une année miraculeuse. Daniel Cohen.
Qu’est-ce qui fait que cette croissance est toujours décevante ? Elle était de 5% l’an pendant les 30 Glorieuses, cela veut dire qu’on double le revenu des gens tous les 15 ans. Maintenant, on n’est plus du tout là-dedans. Aujourd’hui, pour quelqu’un qui vit dans les 10% les plus pauvres, il faut 6 générations en France (source : étude de l’OCDE) pour arriver au niveau du revenu moyen. C’est dire qu’il y a quelque chose de grippé en France. Au Danemark, c’est 2 générations. Daniel Cohen.
Mobilité sociale :
Les femmes en 1965 travaillaient très peu ; c’était la sortie de la paysannerie, c’était le plus bas historique du taux d’emploi des femmes et puis elles sont entrées sur le marché du travail… En réalité, le marché matrimonial aujourd’hui, est très endogame… Oui ça va mieux, si on regarde la femme en général, mais si on regarde la femme seule, c’est devenu catastrophique. Daniel Cohen.
La grande question de la France, c’est de pouvoir repenser en profondeur la manière dont elle gère ses inégalités. Cette endogamie sociale des élites, des mieux dotés, qui se transmet d’une génération à l’autre, l’endogamie professionnelle... Cette segmentation se retrouve aussi à l’échelle territoriale. Les villes, les grandes villes, sont de plus en plus la chasse gardée des cadres, qui se retrouve aussi dans les écoles… Tout cela fait partie des immenses chantiers auxquels la France doit faire face. Daniel Cohen.
Tout cela, ce sont des phénomènes généraux. Partout, la crise du monde industriel a laissé place à une plus grande segmentation sociale, plus forte que par le passé… La France, elle, reste obsédée par le diplôme. C’est ce qui rend les choses plus difficiles en France. Daniel Cohen.
Les bons résultats de l’économie américaine :
Il y a du trompe l’œil et il y a aussi les circonstances favorables dans l’économie américaine. Tout le monde sait que Trump a fait un programme de relance budgétaire significatif avec un déficit qui va avoisiner 5%... C’est quand la croissance est faible que l’on fait du déficit... Trump brûle ses cartouches… On est dans quelque chose à courte vue. Daniel Cohen.
Malgré les statistiques de taux de chômage, la réalité est qu’il y a un sous-emploi très important, plus que ce que révèlent les statistiques elles-mêmes. Un halo de chômage n’est pas compté dans les statistiques. En France, le problème n’est pas très différent concernant les statistiques du chômage… Le taux de chômage tel qu’il est mesuré n’est pas une statistique suffisante… Daniel Cohen.
Le brexit :
Si on sort avec « No deal », sans aucun accord, ce sera une catastrophe pour le Royaume-Uni. Daniel Cohen.
L’impact des algorithmes et de l’Intelligence Artificielle sur les emplois :
On est maintenant dans une société de services et le grand défi, c’est que cette société des services (avec les algorithmes et l’intelligence artificielle) est révolutionnée par l’activité technologique. Les algorithmes sont au cœur de cette transformation. On est en réalité dans une phase de profonde incertitude. Ce que l’on sait sur les effets produits ces 30 dernières années, c’est que cette transformation technologique a produit une polarisation de l’emploi…. Les nouvelles technologies vont-elles donner lieu à une nouvelle classe moyenne ? Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que l’on a des professions de plus en plus isolées socialement… Avec ce mouvement des gilets jaunes, s’est produit ce que l’on appelait avant une conscience de classe. Daniel Cohen.
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