Élection américaine et renouvellement de la politique étrangère française avec Justin Vaïsse

Joe Biden élu 46è président des Etats-Unis
Joe Biden élu 46è président des Etats-Unis ©AFP - ANGELA WEISS
Joe Biden élu 46è président des Etats-Unis ©AFP - ANGELA WEISS
Joe Biden élu 46è président des Etats-Unis ©AFP - ANGELA WEISS
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Après quatre ans de politique internationale tumultueuse avec Donald Trump, à quoi s’attendre avec Joe Biden ? Si les choses ne peuvent-aller plus mal, peuvent-elles aller mieux ? Peut-on espérer une nouvelle diplomatie américaine ?

Avec
  • Grégory Philipps Grand reporter, envoyé spécial permanent de Radio France à Washington
  • Justin Vaïsse historien, spécialiste des Etats-Unis. Ancien directeur du CAPS (Centre d'analyse, de prévision et de stratégie) du ministère des Affaires étrangères de 2013 à 2019. Fondateur et Directeur général du Forum de Paris sur la Paix.

Pendant quatre ans, la diplomatie américaine a été marquée par une diplomatie pour le moins originale, tant dans sa forme que sur le fond… Les atteintes aux accords internationaux ont été nombreuses. Retrait de l'accord de Paris, remise en cause de l'accord sur le nucléaire iranien, blocage de l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce, critiques sur le prix de l'Alliance atlantique, contentieux commerciaux sur les exportations, dialogue de sourds au sein de l'OCDE… 

L’élection de Joe Biden va-t-elle permettre la fermeture de cette parenthèse ? Une nouvelle diplomatie américaine est-elle possible ? Finalement, la politique extérieure de Donald Trump était-elle si hétérodoxe dans la vie internationale américaine ?

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On en parle avec Justin Vaïsse, historien, spécialiste d’histoire américaine,  fondateur et directeur du Forum de Paris sur la Paix. Il sera rejoint par Gregory Philipps, correspondant de Radio France aux États-Unis

Qu'est ce que la présidence de Trump a changé à la politique étrangère des Etats-Unis ?

Son attitude a été hostile au multilatéralisme, à la coopération internationale. Cela a fait beaucoup de dégâts : retrait des accords de Paris, retrait de l'Unesco, retrait de l'OMC avec qui il a refusé de coopérer, la jugeant trop inféodée à la Chine. Il a accentué la crise du multilatéralisme, de la coopération nationale, qui était déjà présente et qui résultait de l'affrontement entre les grandes puissances, de la montée en puissance de la Chine et des attitudes d'un grand nombre de pays populistes. Justin Vaïsse

"Il était l'ami des autoritaires et des dictateurs. Cela a eu des effets variés. Politique incohérente vis à vis de la Russie, puisque lui même était plutôt favorable à Poutine, mais qu'il avait une administration et surtout un congrès ne l'était pas...  Incohérence sur la Chine aussi, puisque au début, il a cherché à être proche de Xi Jinping. Ça a été un peu du stop and go avant de lancer une guerre plus marquée au bout de deux ans seulement, en 2018". Justin Vaïsse

La remise en cause de la supériorité américaine ? 

L'Amérique a résisté. Il y a eu un mouvement très fort des villes des États américains, d'une partie du business américain, de la philanthropie américaine... pour rester dans les accords et essayer de respecter les engagements pris sous l'administration Obama. Justin Vaïsse

"Il y a eu une résistance du reste du monde. Personne ou presque personne, à part Bolsonaro, n'a vraiment suivi Trump. Cela révèle que l'effet d'entraînement américain et la marge de supériorité américaine n'est pas aussi grande que ce qu'elle était auparavant sur la Chine". Justin Vaïsse

La concurrence déloyale chinoise

Trump pose problème avec ses méthodes. L'attaque constante contre l'OMC et contre l'Europe posent problème_._ Mais Trump avait raison sur la concurrence déloyale de la Chine, qui pose aussi problème à l'Europe et à beaucoup de secteurs américains. L'entrée de la Chine dans l'OMC en 2001, ne s'est pas accompagnée du respect des normes qu'elle devait normalement entraîner.  Justin Vaïsse

Le retrait de l'OMS

Trump a fait un coup d'éclat en annonçant le retrait américain.  Ce retrait va être inversé par Biden dès son arrivée le 20 janvier. L'Amérique a été le principal soutien de l'OMS depuis toutes ces décennies, avec d'ailleurs des résultats assez bons sur l'éradication de certaines maladies. Justin Vaïsse

Ligne isolationniste de Trump : brusque revirement ou évolution ?

_A_vec Trump, c'est toujours un brusque revirement : sa modalité et le coup d'éclat. Les choses vont aller mieux avec Biden parce que la lentille à travers laquelle cette équipe voit les affaires internationales est un angle spontanément coopératif. Ils vont continuer à défendre les intérêts américains, mais ils ont conscience que ces intérêts sont liés à ceux de beaucoup d'autres puissances, notamment l'Europe. Justin Vaïsse

Néanmoins, l'Amérique n'est plus celle des années Clinton, d'il y a 20 ou 30 ans. L'Amérique est moins puissante relativement au reste du monde, elle est moins généreuse, plus jalouse de ses intérêts et moins prête à jouer le rôle de gendarme du monde ou simplement de garant de l'entente nationale. Justin Vaïsse

"Une tendance ne changera pas : celle du moindre interventionnisme. L'humeur n'est pas à l'intervention militaire. On avait déjà vu ça chez Obama en dépit de son intervention en Libye. En 2013, notamment en Syrie, mais aussi en Afrique, il y avait une réticence à intervenir." Justin Vaïsse

Il y a un déplacement vers l'Asie qui va continuer et va être très probablement moins militarisée, même si il y aura une réponse d'endiguement vis à vis de la Chine. Justin Vaïsse