Esclavage, la reconnaissance d’un crime contre l’humanité : Christiane Taubira raconte 20 ans après

Christiane Taubira dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris en 2005.
Christiane Taubira dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris en 2005.  ©AFP - JOEL SAGET
Christiane Taubira dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris en 2005. ©AFP - JOEL SAGET
Christiane Taubira dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à Paris en 2005. ©AFP - JOEL SAGET
Publicité

Il y a vingt ans, le 10 mai 2001, était adoptée la « loi Taubira », qui reconnaît la traite et l'esclavage comme crime contre l'humanité. Pour la journée nationale de commémoration, l'ancienne députée qui portait ce projet de loi est l'invitée des "Matins" et revient sur cette grande loi mémorielle.

Avec

Le 21 mai 2001, la France promulguait une de ses grandes lois mémorielles, "tendant à la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité", dite "loi Taubira", du nom de sa rapporteuse à l'Assemblée nationale, Christiane Taubira, alors députée, élue dans la première circonscription de Guyane. Depuis 2006, la date du 10 mai, date d’adoption par le Sénat du texte définitif de la loi, a été retenue comme la Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition.

Une loi sur le passé, pour aujourd'hui

L’adoption d’un tel texte n’a pas été sans combats. L’ancienne Garde des Sceaux Christiane Taubira en sait quelque chose. "C'est un moment fondateur mais qui s'inscrit dans le temps long", explique-t-elle et d'ajouter, "je m'inscrivais dans une lignée, dans une responsabilité, dans un devoir vis-à-vis de la justice et de la vérité". Elle rappelle que "bataille a été rude et parfois déloyale".

Publicité

Mais pour elle, il y a eu le courage de se définir par rapport à des valeurs et que "collectivement, on a pris un chemin qui nous oblige à regarder avec courage, ensemble, les effets quotidiens, contemporains du passé." Face à la critique de la culture de la repentance que l'on peut entendre, elle répond sans ciller : "On n'en veut même pas."

La vieille question de la réparation

Le sujet n’est pas clos, si tant est qu’il pourrait jamais l’être. Reconnaissance et commémoration ne peuvent aller sans poser la question de la réparation. Le débat est encore ouvert à ce propos. La fracture du fait de la non réparation des esclaves et de l'indemnisation des maîtres lors de l'abolition de l'esclavage de 1848, se reproduit aujourd'hui encore.

Christiane Taubira rappelle que les décrets d'abolition se finissaient par cette déclaration, "on oublie tout et on est tous frères" mais le patrimoine des maîtres a été consolidé dans le même temps. Et pourtant l'ancienne Garde des Sceaux et députée de Guyane sait que "c'est pour vivre ensemble qu'on décide d'oublier certaines choses." Elle assure qu' "il y a des gestes qui peuvent alimenter une politique collective et consensuelle d'oubli partiel".

Matières à penser
43 min

Commémorer Napoléon ?

"Concernant Napoléon, il y a un effet de loupe sur son ordonnance de rétablissement de l’esclavage de 1802, mais avant le forfait du rétablissement de l’esclavage, Napoléon a porté un coup de grâce à la révolution française. Le 18 brumaire, c’est un coup d’état. Pour moi les valeurs c’est central. Il ne s’agit pas de gommer Napoléon. Mais, comme pour Colbert, un autre modernisateur de la France, on a le droit d'avoir un regard distancié. La modernisation à la Colbert, mercantiliste, c'est une conception de la modernité particulière. Il ne s’agit pas de les jeter dans les oubliettes de l’histoire, mais on a le droit tout de même de combattre les conceptions qu'ils ont incarné."

L'équipe