Formation et déformation de la police, avec Anthony Caillé, Valentin Gendrot et Alain Bauer

Des CRS lors de la manifestation contre la loi Sécurité globale et les violences policières à Paris, le 28 novembre 2020
Des CRS lors de la manifestation contre la loi Sécurité globale et les violences policières à Paris, le 28 novembre 2020 ©Getty - SOPA Images
Des CRS lors de la manifestation contre la loi Sécurité globale et les violences policières à Paris, le 28 novembre 2020 ©Getty - SOPA Images
Des CRS lors de la manifestation contre la loi Sécurité globale et les violences policières à Paris, le 28 novembre 2020 ©Getty - SOPA Images
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"Le peu de formation". D’après le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, c'est l’une des causes structurelles qui expliquerait en partie les violences policières révélées ces dernières semaines.

Avec
  • Valentin Gendrot Journaliste
  • Alain Bauer Professeur de criminologie
  • Anthony Caillé Enquêteur à la police judiciaire, secrétaire national du syndicat de police CGT-Intérieur

Interrogé lundi par la Commission des lois de l'Assemblée nationale, après une série de violences policières, Gérald Darmanin a affirmé que le problème numéro 1 des forces de l’ordre était « le peu de formation » dont ils bénéficient. 

Alors faut-il réformer la formation des policiers ? Le problème ne serait-il pas plutôt à rechercher du côté du déficit en termes d'encadrement hiérarchique ? Peut-on parler d’un racisme institutionnalisé au sein de la police ? 

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Pour en parler ce mardi 1er décembre, Guillaume Erner est en compagnie d’Anthony Caillé, enquêteur à la police judiciaire et secrétaire national du syndicat de police CGT-Intérieur, ainsi que de Valentin Gendrot, journaliste infiltré dans la police et auteur de Flic, publié aux éditions de la Goutte d'Or. Ils seront rejoints en deuxième partie d'émission par le criminologue Alain Bauer.

Sur l'article 24 de la loi Sécurité globale : "il existait déjà dans le millefeuille procédural des articles protégeant la vie des fonctionnaires" (Anthony Caillé, enquêteur à la PJ, secrétaire national du syndicat de police CGT-Intérieur)

"Ce n'est pas un bon article puisqu' il existait déjà dans le millefeuille procédural des articles protégeant la vie des fonctionnaires et notamment celle des policiers qui d'ailleurs étaient plus punitifs que celui prévu par l'article 24. Et cet article 24, il a en plus l'aspect très liberticide de vouloir confisquer les images des policiers corrompus faites par vos confrères et consœurs journalistes ou les citoyens qui sont dans les manifestations ou sur la voie publique. Mais là, ça veut dire que si, par exemple, dans une manifestation, un citoyen filme avec son téléphone des policiers en train de charger, on a vu plusieurs scènes où les policiers refusaient d'être filmés, ils en ont le droit." (Anthony Caillé)

"Si on soustrait l'image de la police et du travail de la police à nos concitoyens, je pense qu'on ne protège pas la police. Il y aura justement une défiance qui sera mise à l'accent par les citoyens et par les journalistes puisque les diffusions ne seront plus possibles. Et ça créera effectivement beaucoup d'interrogations chez les Français." (Anthony Caillé)

"Il est faussement invoqué puisque le drame de Magnanville ne vient absolument pas des réseaux sociaux. Il vient d'où ? Il vient du fait que, justement, un des syndicats qui a commandé cette loi parce qu'effectivement, c'est bien certains syndicats de policiers qui ont commandé cette loi à l'époque, ont perdu une clé USB avec les fichiers de leurs adhérents. Et ils se trouvaient effectivement l'adresse de ce couple de Magnanville sur cette clé USB qui a été qui a été dérobée." (Anthony Caillé)

"Un policier qui travaille dans un arrondissement n'habite pas dans le même arrondissement. Et bien souvent d'ailleurs, les policiers vivent à l'extérieur de Paris et en région parisienne, dans des lieux à peu un peu reculé. Là, parce que c'est moins cher, parce que c'est surtout un moyen pour eux de se sécuriser. C'est un moyen pour eux de ne pas être en contact avec des gens que vous avez pu interpellés plusieurs jours avant dans la queue des supermarchés, par exemple. Et sur les réseaux sociaux, les policiers n'utilisent pas leur vraie identité (...). Moi, j'ai essayé, par exemple, de retrouver des policiers suite à la publication de mon livre parce que je voulais simplement leur parler. Il m'a été impossible de les retrouver. Je ne sais pas comment il s'appelle sur les réseaux sociaux, par exemple." (Valentin Gendrot)

"Une formation de trois mois pour les policiers contractuels, c'est la consécration de la police low cost". (Valentin Gendrot)

"Policier contractuel, ça consiste à être formés en trois mois seulement et une formation de trois mois, c'est la consécration de la police low cost. Moi, je suis sorti de l'École nationale de police de Saint-Malo avec une habilitation pour porter une arme sur la voie publique low cost.   (...) C'est un formateur qui utilisait cette expression là (...)" (Valentin Gendrot)

"Pour rassurer la mémé, il faut envoyer du bleu. Comment on fait pour rassurer la mémé tout en envoyant du bleu ? On va poser la question du chiffre des policiers. On va envoyer beaucoup de policiers sur la voie publique. En revanche, à aucun moment on va s'occuper de comment ils sont formés ces policiers sous les gouvernements socialistes, donc Ayrault, puis Valls, puis Cazeneuve. Il a été question de former 2.000 policiers en deux ans. C'est évidemment insuffisant pour bien former des policiers. Je veux dire deux ans, c'est beaucoup trop court pour former autant de policiers correctement, pour être efficace dans une police républicaine (...). (Valentin Gendrot)

"La police regroupe beaucoup de gens qui viennent d'univers différents et certains viennent rechercher cette violence(...), l'adrénaline du terrain." (Valentin Gendrot)

"La police regroupe beaucoup de gens qui viennent d'univers différents et certains viennent rechercher cette violence là. C'est l'adrénaline du terrain avec pour perspective, par exemple, de travailler dans une BAC, dans une brigade anticriminalité. Ça peut être un objectif pour certains. Pour d'autres, ça peut être d'avoir un emploi de fonctionnaire avec la sécurité qu'implique telle ou telle fonction. Vous avez plusieurs types de profils, mais en école de police, par exemple, vous avez des gens qui étaient vigiles à la sortie des boîtes de nuit, qui voulaient la police avec comme perspective d'intégrer des unités d'intervention. Donc oui, ce sont des lieux professionnels où la violence est omniprésente." (Valentin Gendrot)

"La révolution culturelle est dans l'appareil des policiers eux-mêmes." (Alain Bauer)

"Il y a beaucoup de choses à faire dans la police, y compris avec les policiers eux mêmes. Il m'est arrivé il y a quelques années d'avoir une assez longue réunion avec des policiers des BAC de départements dits particulièrement difficiles de la banlieue parisienne. Et évidemment, il y avait à la fois le ressenti et la frustration, tout ce qu'ils subissent au quotidien et qu'ils expriment, la manière dont aussi parfois ils contournent les règles pour reprendre le terrain. (...) Mais surtout, ils ont d'excellentes idées sur la manière de bien faire leur métier et de bien le faire dans les règles, de manière déontologique et de matières efficaces." (Alain Bauer)

"Le ministère, pour des raisons extrêmement étranges, n'a pas réussi jusqu'à présent, et hélas, la direction de la police nationale et une direction qui a été affaiblie au fil des années et qui a le plus grand mal à reprendre la main, notamment sur la sécurité publique a beaucoup de difficultés à réimposer. D'abord à cause des contraintes. Ensuite à cause de la réforme des Corps et carrières qui a perdu beaucoup au niveau de l'encadrement dans la police pour passer d'un cylindre à une pyramide plus ou moins bien ajustée dans son fonctionnement à cause de sa militarisation, c'est-à-dire un jeu d'uniformes et de grades, qui ne va pas jusqu'au bout de sa logique. (...) Moi, je crois qu'il y a énormément de ressources, de policiers intègres et honnêtes. Pris en otage par quelques hurluberlus dangereux, violents, racistes et extrémistes et qui, malheureusement, au nom de l'esprit de corps, hésitent à les dénoncer, à les expulser. En fait, la révolution culturelle, elle, est dans l'appareil des policiers eux mêmes." (Alain Bauer)

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