Inflation : quelle marge de manœuvre pour la grande distribution ?

Caisse en grande distribution
Caisse en grande distribution ©AFP - Christophe Simon
Caisse en grande distribution ©AFP - Christophe Simon
Caisse en grande distribution ©AFP - Christophe Simon
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Face à l'inflation galopante, le ministre de l'Agriculture français Marc Fesneau a récemment appelé les enseignes de la grande distribution à la modération. Quelle est leur part de responsabilité dans la maîtrise de la hausse des prix de l'alimentation ?

Avec
  • Michel-Edouard Leclerc Président du comité stratégique des centres E. Leclerc
  • Sandra Hoibian Directrice générale du Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie)

Michel-Edouard Leclerc et Sandra Hoibian évoquent les rapports de force entre fournisseurs et distributeurs dans les négociations en cours ; la compétition entre les industriels ; la baisse de la consommation en volume et en particulier de la consommation biologique et enfin les lois qui régissent l’augmentation des prix pour les industriels.

L’inflation, en partie maîtrisée ?

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Sandra Hoibian, directrice générale du Credoc, rappelle qu’un “certain nombre de dispositifs ont limité l’impact de l’inflation en France plus qu’ailleurs, mais les taux d’augmentation des prix sont encore très importants : 15 % pour l'alimentaire, 14 % pour l'énergie, et 11 % pour les produits d'hygiène beauté. Il s’agit d’augmentations très importantes et qui durent", explique-t-elle. "En ce sens, les dispositifs d’aides ponctuels mis en place par le gouvernement ont des limites, car ils sont décidés pour être relativement flexibles par rapport aux chocs, mais ne sécurisent pas les ménages”.

Quel est donc l'horizon de la fin de l'inflation ? “A priori, les différentes prévisions tablent sur une stabilisation de l’inflation au deuxième semestre", explique la directrice du Credoc. "Mais cela veut juste dire que les prix vont cesser d'augmenter plus vite, cela ne veut pas dire qu’ils vont diminuer”. Le Président du comité stratégique des centres E. Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, estime que si l’on parle d’une “inflation de “transition”, liée à la remise de l'économie post-covid, à la guerre en Ukraine, à la sphère géopolitique animée, en réalité, la moitié de l’inflation subie par les Français est spéculative. Plus généralement, l’inflation se forme un an à l'avance et à certains moments, elle est justifiée, à d’autres, elle ne l'est pas. Et en ce moment, elle ne l'est pas”, estime-t-il.

Réorientation de la consommation des Français

Sandra Hoibian évoque une "baisse de 4 % de la consommation et de 8 % sur l’alimentation" et mentionne “des reports sur les mécanismes d’aides alimentaires caractérisés par une progression des publics qui vont frapper à la porte des Restos du cœur et du Secours catholique”. Michel-Edouard Leclerc relaie l’information et relève "une dégradation de la valeur des produits achetés : on passe des grandes marques aux marques des distributeurs et l’on perçoit des comportements en caisse qui attestent d’une plus grande attention portée au prix”. Il ajoute : “les écarts se creusent entre les prix chez Leclerc, Liddle, Aldi et les prix chez Casino et Monoprix. La concurrence ne joue donc pas son plein, et à force de critiquer le libéralisme, on oublie de mettre les distributeurs en concurrence. On pourrait, en acceptant cette culture de la compétition, gagner un à deux points sur l’inflation, mais la compétition entre les industriels est un sujet tabou aujourd’hui”, explique-t-il. Sandra Hoibian précise cependant que “flexibilisation et concurrence sur les prix veulent aussi dire flexibilisation sur le marché du travail et des conditions de travail insécurisantes”.

Les espoirs déçus du “panier anti-inflation”

Pourquoi ne pas participer au “panier anti-inflation” ? “En adhérant au panier anti-inflation, les enseignes moins chères, comme Liddle ou Leclerc, réduisent leur cône de visibilité de leur performance", estime Michel-Edouard Leclerc. "Par ailleurs, lorsque l’on vend 10 000 articles à un prix inférieur, pourquoi faire un focus sur 40 articles dont on ne vous demande pas qu’ils soient les moins chers ?”. Sandra Hoibian complète : “l’idée du panier a été critiquée parce qu’il concerne un nombre restreint de produits et qu’il infantilise les personnes en difficulté puisque l’on choisit pour elles des produits bons pour leur santé, des produits français, etc. Le choix est toujours discutable et, par ailleurs, on agit est au bout de la chaîne, or ce n’est pas nécessairement des aides sur l'alimentation, mais sur la protection sociale en général qui permettraient aux consommateurs d’avoir une plus grande marge de manœuvre”.

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