Israël à un tournant de son histoire ?

Des manifestants protestent devant la porte de Brandebourg à Berlin contre la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le 16 mars 2023. ©AFP
Des manifestants protestent devant la porte de Brandebourg à Berlin contre la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le 16 mars 2023. ©AFP ©AFP
Des manifestants protestent devant la porte de Brandebourg à Berlin contre la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le 16 mars 2023. ©AFP ©AFP
Des manifestants protestent devant la porte de Brandebourg à Berlin contre la politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le 16 mars 2023. ©AFP ©AFP
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Netanyahou a cédé. Sous la pression de la rue, sa réforme de la justice, dont le principal objectif est de retirer son indépendance à la cour suprême en Israël, va finalement être reportée. Le mouvement de protestation va-t-il pour autant s'essouffler ?

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Comprendre le projet de réforme de la justice de Netanyahu

La réforme de la justice voulue par Netanyahou est “une réforme multifacettes, explique Frédéric Métézeau. Le premier élément consiste à donner des pouvoirs à la Knesset , donc au parlement israélien. Il n’y a qu’une seule chambre en Israël, et cette chambre, si la loi était votée, pourrait invalider les décisions de la Cour Suprême. Ensuite, poursuit le journaliste, “le projet de loi vise à changer la composition du comité de nomination des juges. Enfin, un peu plus technique, les juges de la Cour Suprême, disposent actuellement d’une clause de raisonnabilité : quand une loi arrive, si vraiment elle paraît complètement absurde, et bien les juges n’ont pas besoin d’argumenter sur le fond. C’est ce dispositif que souhaite suspendre le gouvernement.

Une démocratie très fragile

Eva Illouz observe en Israël “un déficit démocratique. On ne le voit pas vraiment parce qu’il s’agit d’une culture où la presse est très libre. Mais c’est un système monocaméral. Ensuite, le gouvernement émerge en général de la Knesset elle-même, il y a très peu de séparation entre le législatif et l'exécutif. Il n’y a pas de Constitution en Israël, d’autres lois fondamentales peuvent être changées très facilement. Il n’y a pas la culture politique très forte que normalement les constitutions donnent. Il y a une très grande imbrication entre le religieux et le politique. La sociologue estime que “la Cour Suprême a été le seul garde fou jusqu’à présent pour garantir l'exécution de certaines lois fondamentales. Elle n’a pas été follement démocratique, mais il s’agissait quand même d’un garde fou à la fois symbolique et réel. Et c'est de ce garde fou que le gouvernement voulait se débarrasser.”

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Danny Trom en revanche considère que “le problème qui se pose n’est pas un déficit démocratique, c’est un problème d’équilibre des pouvoirs. Le régime est démocratique, il y a une représentation parlementaire à une proportionnelle qu' aucun autre pays ne connaît, d'où la difficulté de construire des coalitions. D’autre part, il y a une Cour Suprême qui a un ensemble de pouvoirs extrêmement important qu’aucune autre Cour Suprême n’a atteint dans nos démocraties.” Pour le sociologue, "cette situation est explosive, précisément parce qu’il n’y a pas de Constitution qui prévoit des règles du jeu stable. Ce qui est fragile, ce n’est pas la démocratie, mais un système qui s’est progressivement construit sans s’être stabilisé dans une Constitution. Je ne dis pas que la démocratie est exemplaire, je dis qu’elle fonctionne”, nuance-t-il.

Une crise conjoncturelle ou structurelle ?

Danny Trom note “le caractère existentiel de cette crise, qui lui fait prendre un tournant aussi dramatique. Il n’y a pas eu de Constitution et donc pas d'auto-définition de l'État d'Israël, resté sans définition précise et bien entendu dans la crise, les définitions émergent et viennent s’opposer. Il y a dans cette crise des éléments qui sont structurels et des éléments conjoncturels. Elle résulte en partie du fait que Netanyahou, pour accéder au pouvoir, a coalisé un ensemble hétéroclite de partis politiques qui n’ont pas de cohérence. Netanyahou est apparu longtemps comme un facteur de stabilité et à présent tout le monde perçoit qu’il est un facteur d’instabilité. Cette nécessité de réaffirmer une unité nationale procède de son travail de division constante de la société israélienne”, conclut le sociologue.

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