Alors que le coronavirus se répand comme une traînée de poudre dans le monde, les États s’organisent pour faire face à la pandémie. A l’échelle internationale, la solidarité entre États est mise à rude épreuve. Comment apporter une réponse globalisée et coordonnée à la gestion de cette crise ?
- Jean-Christophe Rufin Diplomate et romancier.
Dans le monde, 178 pays sont désormais concernés par le Covid-19. Depuis quelques jours, la pandémie prend un nouveau tournant. Les cas se multiplient de façon exponentielle aux États-Unis. Et le continent africain, jusqu’ici moins impacté que le reste du monde, doit faire face, lui aussi, au risque d'une propagation du virus. Comment apporter une réponse globalisée et coordonnée à la gestion de cette crise ? Le rôle que la France souhaite jouer sur la scène internationale est-il à la hauteur de ses ambitions ? Les cartes de la solidarité sont-elles rebattues ?
Pour en parler nous recevons, Jean-Christophe Rufin de l’Académie française, médecin, diplomate, écrivain et auteur de “Les Trois femmes du consul” (Flammarion, 2019).
Le médecin ne s'étonne pas tant de l'ampleur de la crise que de la façon dont elle a été ignorée :
Les humanitaires, pendant toutes ces années où tout le monde avait oublié les épidémies, nous les connaissons toujours, nous les connaissions ailleurs. Ce qui me frappe, c'est que finalement on a beau beaucoup parlé de la mondialisation, on n'y croit pas. Il était évident qu'un jour ces maladies nous concerneraient aussi. Périodiquement elles apparaissent en Asie et en Afrique, où elles ont été contenues. Aujourd'hui elles sont là, et finalement ça ne nous étonne pas vraiment... On a vu quelque chose se développer en Chine, sans véritablement croire que ça allait nous arriver dessus.
Pour Jean-Christophe Rufin, ce n'est pas encore le moment de faire des procès :
Ce n'est pas le moment d'accabler qui que ce soit et de faire des procès, ça viendra. Mais il faudra qu'ils soient faits. Il faudra qu'on tire des leçons de ça. Ça prouve une chose : quand on sera sorti de cette terrible crise, comme le disent les infectiologues, il y en aura d'autres. Et on ne peut pas se retrouver dans une situation pareille.
Il juge néanmoins que le gouvernement n'a pas bien réagi à la crise du Covid-19 :
On court après les décisions. A chaque fois qu'un problème se pose, on commence à réagir après. Il semble que dès le mois de janvier le gouvernement a été alerté de ce qu'il pouvait se passer, il n'a pas pris les décisions. On dit aujourd'hui qu'il n'y a pas de masques sur le marché. Il est évident que fin mars tout le monde veut acheter des masques ! Je pense qu'en janvier ou février il était plus facile d'en trouver. Il y a ce côté ligne Maginot avec un gouvernement qui nous explique que les masques ne servent à rien parce qu'il n'y en a pas, tout simplement. Que les tests ne servent à rien parce qu'il n'y en a pas. C'est un peu triste, on a un peu l'impression de faire la guerre d'avant à chaque fois.
Pour le médecin, les inconnues des épidémies ont mis l'Europe face à ses propres contradictions :
Les épidémies ont leurs propres tropismes. Il y a une physionomie de ces maladies. Nous avons vécu avec l’idée que la France et l’Europe sont hors du monde. Aujourd’hui avec cette épidémie, on se rend compte que l’Europe n’est plus dans cette bulle. L’Europe se dilue dans le monde contemporain et perd sa singularité constitutionnelle. On redécouvre notre vulnérabilité. On avait pris l’habitude de regarder les malheurs du monde de loin. Aujourd’hui il y a une forme de pénétration des malheurs du monde chez nous.
Sa vision quant à la propagation du virus en Afrique reste porteuse d'espoir :
L’Afrique c’est une grande inconnue. On dit que l’Afrique n’est pas équipée face à une épidémie grave. Mais il y a quand même quelques inconnues. L’épidémie c’est le voyage d’interaction d’un agent infectieux à un environnement particulier. Pour l’Afrique, on ne connaît pas vraiment l’attitude du virus en milieu tropical. La jeunesse de la population africaine peut être un facteur d’espoir d’une propagation différente sur le continent.
Enfin, Jean-Christophe Rufin s'interroge sur un lien perdu entre l'Homme et la nature :
Il est évident qu’il ne s’agit pas d’opposer la nature à l’homme. Mais une fois que nous serons sorti de notre confinement, il faudra bien ressouder le lien rompu avec la nature. Au fond, cette ivresse de l’être humain qui s’est emparé de tout a rompu ce lien, il va falloir retravailler à le reconstruire. Nous payons au prix fort la rupture de cet équilibre avec la nature. Cette catastrophe ne survient pas dans un terrain totalement vierge. Elle n’était pas attendue mais elle répond à une vieille terreur disant que les choses allaient forcément à un moment s’arrêter.
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