Jean-Noël Jeanneney : "Pour comprendre l'Histoire, expliquons, expliquons, expliquons !"

Charles de Gaulle allume la Flamme au Mont Valérien le 18 juin 1950 lors d'une cérémonie marquant le 10e anniversaire de l'appel 18 juin
Charles de Gaulle allume la Flamme au Mont Valérien le 18 juin 1950 lors d'une cérémonie marquant le 10e anniversaire de l'appel 18 juin ©AFP
Charles de Gaulle allume la Flamme au Mont Valérien le 18 juin 1950 lors d'une cérémonie marquant le 10e anniversaire de l'appel 18 juin ©AFP
Charles de Gaulle allume la Flamme au Mont Valérien le 18 juin 1950 lors d'une cérémonie marquant le 10e anniversaire de l'appel 18 juin ©AFP
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Acte fondateur de la « France libre », l’appel du 18 juin fête aujourd’hui ses 80 ans. Les mots du général de Gaulle qui expriment la défaite mais également l’espoir et la résistance trouvent un écho particulier dans la période de crise actuelle. Quel héritage nous a laissé l’appel du 18 juin ?

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Il y a 80 ans, sur les ondes de la BBC, le général De Gaulle lançait un premier appel aux français à poursuivre le combat, alors que le maréchal Pétain s’apprêtait à négocier les conditions d’un armistice avec l’Allemagne. Des paroles de défaite mais aussi d’espoir et de résistance qui trouvent un écho dans la période de crise économique, sociale et politique que nous vivons.  Quel héritage nous a laissé l’appel du 18 juin ? Alors que certains chefs d’Etat ont qualifié de « guerre » la lutte contre la Covid, y a-t-il des concordances entre la crise sanitaire actuelle et les grands conflits mondiaux du 20ème siècle ? La lutte contre la Covid-19 est-elle une guerre comme une autre ?  

Pour répondre à ces questions, nous accueillons une voix familière, Jean-Noël Jeanneney, historien, universitaire, producteur de « Concordance des temps » sur France Culture, et auteur notamment de Virus ennemi. Discours de crise, histoire de guerres paru dans les tracts de crise de Gallimard.

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La révision de l'Histoire, une fausse bonne idée ? 

Il y a péril à vouloir rétrospectivement sous l’effet d’un anachronisme très dangereux aller décider qui était bon et qui était mauvais au nom de nos morales contemporaines. Je crois que c'est dangereux et je crois qu'il vaut beaucoup mieux susciter des hommages nouveaux à ceux qui sont plus conformes à nos morales d'aujourd'hui, nos valeurs d'aujourd'hui tels qu'elles sont. L'anachronisme est très périlleux, à la fois pour l'intelligence et pour l'action. Jean-Noël Jeanneney

" Il faut faire une distinction entre les périodes spécifiques qui sont celles de la fin d'une dictature ou d'un régime plus ou moins tyrannique et les temps normaux de la démocratie.  La démocratie revient aux élus de décider. En revanche, évidemment, quand on renverse un tyran, alors on ne s'étonne pas de voir renverser ces statues."

Je crois qu'une démocratie a besoin de héros pour l'idée qu'elle se fait d'elle-même, mais aussi pour sa cohésion et pour la transmission des valeurs aux enfants. Jean-Noël Jeanneney

La construction du mythe de l'appel du 18 juin 

" Il faut situer le moment précis du 18 juin. Effectivement, on est en pleine débâcle. La France s'est effondrée militairement. Le gouvernement de Paul Reynaud a éclaté et la question se pose à ce moment là au personnel politique de savoir quel chemin on va choisir. Il y en a deux possibles. Le premier, c'est l'armistice, c'est à dire un accord politique qui préserve l'autorité de l'armée avec l'Allemand vainqueur et l’autre c’est une capitulation qui permettent d'aller continuer le combat en Afrique du Nord."

De Gaulle passant en Angleterre saisit le tronçon du glaive, comme il l'a dit, et il va dans cet appel devenu immortel poser la conviction qu'il a, qu'il s'agit d'une guerre mondiale, et que, puisqu'il s'agit d'une guerre mondiale, il faut préserver la France aussi bien militairement que politiquement. C'est cela qu'il annonce avec un mélange tout à fait extraordinaire, avec le recul au fond de réalisme et de rêve. Le réalisme dans la lucidité de voir que la guerre va continuer. Et le rêve parce qu'il y a quelque chose d'un peu fou dans cette déréliction absolue qui est la sienne à vouloir incarner non pas une réaction militaire, mais la France. Jean-Noël Jeanneney

" Ce qui frappe dans ce moment du 18  juin, c'est la rencontre entre quelque chose d'instantané, une grande part de hasard et puis, la longue durée de la préparation par un homme, de Gaulle, du moment où il rencontrera son destin. Le hasard est énorme. De Gaulle a failli démissionner du gouvernement le 14 juin, ce qui fait qu'il n'aurait pas eu la même influence. C'est Georges Mandel, l'homme de Clemenceau, le ministre de l'Intérieur qui a retenu de Gaulle. De Gaulle dit dans ses mémoires que de cet entretien avec Mandel découle beaucoup des choses qu'il a pu faire ensuite."

Vous pouvez (ré)écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

Le Cours de l'histoire
52 min

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