Quel moment plus propice pour interroger la place de l’homme au sein de la nature que la période complexe que nous traversons ?
- Laura Bossi neurologue et historienne des sciences, commissaire générale de l’exposition « Les origines du monde. L’invention de la nature au XIXème siècle ».
- Joëlle Zask Maître de conférences à l'Université Aix-Marseille, membre de l’Institut universitaire de France et spécialiste de la philosophie de John Dewey
L’exposition “Les origines du monde - L’invention de la nature au XIXè siècle” rouvre ses portes demain. Le musée d’Orsay propose d’explorer les liens entre arts et sciences tissés au XIXè siècle, époque où les découvertes scientifiques, qui ont été majeures, ont largement influencé l’imaginaire des artistes.
Pour en parler, nous recevons :
Laura Bossi, neurologue et historienne des sciences, commissaire générale de l’exposition « Les origines du monde. L’invention de la nature au XIXème siècle ». à partir de mercredi 19 mai au musée d’Orsay.
Joëlle Zask, Enseignante à l'université de Provence, spécialiste de philosophie politique. Auteure de “Face à une bête sauvage”, (Premier Parallèle, 2021)
Le XIXe siècle dans la pensée de la nature
Laura Bossi rappelle que le XIXè est le siècle dans lequel notre relation à la nature se modifie radicalement. Il y a le recensement du monde qui s’est étendu à tous les continents, le télégraphe et le chemin de fer qui réduisent les distance et la révolution industrielle qui change les paysages.
Le XIXè siècle est crucial car il marque le changement de notre rapport avec notre animalité en lien avec l’apparition de l’évolutionnisme de Darwin et Lamarck. Laura Bossi
On découvre que pour être un bon théoricien, il faut être un bon explorateur. Dans l’exposition au musée d’Orsay, se trouve toute une série de planches qui montrent des oiseaux, des animaux. On ne sait pas si on a à faire à des représentations scientifiques ou artistiques de la nature.
Dans la première moitié du XIXè, on est encore imprégné des Lumières qui voulaient que les arts et les sciences soient liés. Il n’y avait pas deux cultures comme aujourd’hui, où on est très spécialisé dans l’une ou l’autre. À l’époque, il y a beaucoup d’objets qui naissent avec un statut didactique et qui sont des œuvres d’art. Laura Bossi
L'animal pensé à travers l'homme
Joëlle Zask souligne la difficulté à penser le sauvage quand il entre en relation avec l’humain comme si tout être qui interagit avec l'homme perd son statut de sauvage pour soit obtenir un statut dégradé - l’animal poubelle - soit un statut transformé, comme l’animal domestique ou familier.
Les animaux qui entrent en relation avec l’humain ne sont pas moins sauvages, sans non plus être terrorisants ou merveilleux. Joëlle Zask
Face aux animaux sauvages dans les villes, il y a ce geste protecteur qui voudrait donner à manger aux animaux, pour créer comme une relation magique entre l’homme et l’animal. À l’opposé il y a la geste éradicateur qui est aussi très présent. Joëlle Zask
La connaissance humaine de l'animal
Dans son livre, Joëlle Zask explique comment approcher des animaux sauvages ou domestiques et notamment comment réagir face à un chien agressif. La première règle est de ne pas sourire :
Sourire, c’est montrer ses dents, soit un signe d’agressivité qui peut faire peur à un chien. Face à un chien agressif, il ne faut pas le regarder dans les yeux mais faire face. Il faut s’assoir et se lécher les lèvres. Ça demande de le savoir parce que ça ne s’invente pas. En faisant ce livre je me suis rendue compte à quel point on est ignorant, alors que les animaux nous observent avec acuité. Joëlle Zask
Quand on regarde notre histoire occidentale, on a le sentiment que l’homme est sur terre pour étudier les animaux. Aristote, Noé, … la spécificité de l’homme est d’étudier la part animale en nous. On a un peu laissé tomber cette idée alors que les animaux s’en emparent, ils développent des méthodes d’observation des autres espèces. Joëlle Zask
Un manque de connaissance de l'animal que Laura Bossi observe aussi et qu'elle relie à nos milieux, urbain ou rural :
Je trouve aussi qu’il ya une sorte de régression dans notre attitude à l’égard des animaux que l’on réduit comme un animal domestique, un nuisible ou un sauvage. On perd la différenciation de chaque espèce et des individualités animales. Le fait qu’on vit presque uniquement dans des milieux urbains avec des animaux de compagnie, ou en milieu rural où l’animal est devenu un produit, la relation s’est appauvrie et l’intérêt pour les animaux aussi. Les enfants perdent l’enthousiasme quand ils rencontrent des animaux. Laura Bossi
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