Christophe André : "Le coût psychologique sera plus lourd que le coût virologique"

Pour Christophe André, psychiatre médiatique, la consolation est toutefois une affaire sérieuse.
Pour Christophe André, psychiatre médiatique, la consolation est toutefois une affaire sérieuse. ©Getty - Maskot
Pour Christophe André, psychiatre médiatique, la consolation est toutefois une affaire sérieuse. ©Getty - Maskot
Pour Christophe André, psychiatre médiatique, la consolation est toutefois une affaire sérieuse. ©Getty - Maskot
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La consolation est un sujet sérieux.

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C’est un mot qu’on rattache encore beaucoup à l’enfance. La consolation. Il évoque un chagrin, et les astuces que nous déployons tous pour y remédier, de la plaquette de chocolat à l’appel à un proche ,en passant par la prière ou le sport. 

Pour Christophe André, psychiatre médiatique, la consolation est toutefois une affaire sérieuse. Comme thérapiste, il souligne ; la consolation n’est pas une guérison, mais il ajoute aussi ; elle est “bien plus qu’un réconfort passager”. C’est, dit-il encore, “un moyen de vivre avec les orages”. La consolation aurait-elle à voir avec la résilience, ce concept qui connaît un certain succès depuis quelques années ? Ou avec la solidarité, du moment qu’on s’emploi à consoler un tiers ? 

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En s’attaquant aux sujets du chagrin et de la consolation dans le livre Consolations, celles que l’on reçoit et celles que l’on donne (L’Iconoclaste, 2022), Christophe André s’empare d’une thématique prisée depuis longtemps par les philosophes. Récemment encore, Michaël Fœssel et André Comte-Sponville se sont penchés sur ces réalités et leur sens. 

La consolation est un sujet des plus sérieux, et sans doute plus épineux qu’il n’y paraît. Consoler, se consoler, se fait-il au risque de se résigner ? La consolation, sortie d’un cadre individuel ou intime, peut-elle devenir une institution ? Le mal-être, en tout cas, et le besoin d’y remédier est maintenant au coeur des politiques publiques, comme en témoignent les débats sur le remboursement des séances de psychologues au sortir des périodes de confinement. 

La vulnérabilité psychologique en temps de covid 

Qui sont les personnes les plus fragiles psychologiquement dans ce contexte de crise sanitaire ? 

La vulnérabilité peut se retrouver à deux niveaux. Elle peut se retrouver dans les structures de personnalités d'abord. Les gens fragiles du point de vue psychologique craquent les premiers. Il y a ensuite toutes les personnes pour qui les années sont précieuses. Ce sont, d'une part, les jeunes qui sont en train de se construire. Je pense par exemple à tous ces jeunes bacheliers qui ont débarqué à l'université en période de covid et qui n'auront connu de la fac que les amphis vides et les cours en distanciel. Et puis, d'autre part, ce sont les personnes âgées. 

La consolation et l'adversité 

Qu'est-ce que la consolation ? 

La définition de la consolation, c'est précisément ce que l'on s'efforce de faire pour quelqu'un lorsqu'on ne peut pas réparer le réel. Si j'ai une solution à apporter à quelqu'un qui est dans l'adversité, je lui propose la solution et je n'ai pas besoin de le consoler. 

La consolation ne suppose pas que l'on dispose de solutions. Elle suppose juste que l'on reconnaisse que l'adversité est plus grande et plus forte que nous pour l'instant, mais qu'on souhaite que la personne reste capable de s'imaginer dans le futur. 

L'enjeu n'est pas de résoudre à 100% l'adversité ou de la supprimer. L'enjeu est que la personne reste en vie psychique, avec cette envie de continuer, de partager, de découvrir. 

Les mots de la consolation 

Vous dites dans ce livre à quel point les mots de la consolation sont des mots qui doivent être choisis avec soin. 

Dès qu'on est dans une situation de vulnérabilité, qu'elle soit médicale, existentielle ou autre, on devient hypersensible et les mots peuvent être pris dans tous les sens. L'art de la consolation est un art délicat parce qu'on fait intrusion dans le monde d'une personne ultra fragile et ultra sensible. Les mots doivent être extrêmement prudents. 

Lorsqu'on s'approche de quelqu'un pour le consoler, on est totalement à contre-courant de ce qu'il est en train de vivre, dans une bulle de malheur et de souffrance. La consolation peut être une intrusion, une sorte de forçage de la tristesse, et dans ce cas là, elle va provoquer ce qu'on appelle en psychologie une réactance, un rejet, comme une greffe qu'on rejette. 

Plus je suis en détresse, plus je suis dans la désolation, dans le désarroi et dans le désespoir, moins je suis capable de recevoir des messages complexes. La consolation doit donc s'accompagner de mots très simples. 

Le rôle du thérapeute 

Est-ce que le rôle du thérapeute, qu'il soit psychiatre ou psychanalyste, est de consoler? 

La psychanalyse est un outil de connaissance de soi et d'approfondissement de tout ce qui existe en nous. Mais au fond, est ce que c'est véritablement une thérapie au sens d'une thérapie destinée à soigner ? De l'avis même des psychanalystes, la psychanalyse ne s'adosse pas à la consolation. 

En revanche, la plupart des soignants considèrent que la consolation doit faire partie de l'accompagnement. Un soin ne peut pas se résumer à sa technique et à un savoir faire, aussi puissant et intelligent soit il, mais il nécessite un accompagnement psychologique dont la consolation fait partie. La consolation a très probablement un impact biologique.

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