Dans la grotte Chauvet, un voyage dans les rêves de nos ancêtres. Avec Carole Fritz et Marie Bardisa

Photographie prise en octobre 2012 à la grotte Chauvet.
Photographie prise en octobre 2012 à la grotte Chauvet. ©AFP - Jeff Pachoud
Photographie prise en octobre 2012 à la grotte Chauvet. ©AFP - Jeff Pachoud
Photographie prise en octobre 2012 à la grotte Chauvet. ©AFP - Jeff Pachoud
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Dans la grotte Chauvet, les peintures rupestres sont les indices de l’univers de nos ancêtres. Nous visitons cette grotte, une des plus anciennes que nous connaissions.

Avec
  • Carole Fritz archéologue spécialiste de l’art préhistorique , chercheure au Cnrs et responsable du Centre de recherche et d’études de l’art préhistorique Emile-Cartailhac à la Maison des sciences de l’homme et de la société de Toulouse
  • Marie Bardisa conservateur de la Grotte Chauvet

Dans la grotte Chauvet, les peintures rupestres sont les indices de l’univers de nos ancêtres.   

Pendant quelques vingt mille ans, la grotte a été coupée du monde après un éboulement. En 1994, des spéléologues la découvrent, dans les plateaux calcaires ardéchois. Depuis, on l’appelle la grotte Chauvet. Ici, des spécialistes d’anthropologie, de paléontologie, de climatologie, de biologie ou de géologie datent, identifient et étudient les centaines de dessins rouges, blancs et noirs, laissés au fusain, à la main, aux pigments, par nos ancêtres il y a plusieurs dizaines de milliers d’années. 

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Des mains, des scènes de chasse, des animaux de toutes espèces, certaines disparues de nos jours, et autant d’indices sur un mode de vie et tout un univers symbolique. “La mémoire des rêves de nos ancêtres”, disait le réalisateur allemand Werner Herzog dans son film consacré à la grotte.

Nous en parlons avec Carole Fritz, spécialiste d'art préhistorique à la Maison des sciences de l'homme de Toulouse et à l'UMR 5608 TRACES, et Marie Bardisa, cheffe du service de la Conservation de la grotte Chauvet.

Le choc de la grotte Chauvet

Pour vous, Carole Fritz, la grotte Chauvet est non seulement une caverne sublime, mais aussi une révolution dans notre perception de la préhistoire. Expliquez-nous pourquoi.

La grotte Chauvet a bouleversé nos paradigmes sur l'art paléolithique. On travaillait jusque là avec des hypothèses émises par Leroi-Gourhan en 1965, un grand père fondateur de la préhistoire, qui avait une vision assez linéaire depuis l'arrivée d'homo sapiens en Europe. Chauvet nous démontre qu'à - 36 000 ans avant J.-C., tout est déjà là en termes de techniques. Carole Fritz

Il faut imaginer ce que cela fait par rapport à Lascaux...

Il y a plus de temps qui sépare Chauvet (- 36 000 ans) et Lascaux (- 17 000 ans) que Lascaux et nous. Donc en termes de générations, de culture et de vie quotidienne, on a du mal à se projeter dans cette temporalité. Voir cette continuité de l'art sur un temps très grand, il est difficile pour nous de le faire. Carole Fritz

Description de la grotte

Dans quel état est la grotte Chauvet, et qu'est-ce qu'on y trouve ?

C'est une grotte qui nous est parvenue en 1994 dans un état de conservation exceptionnel. Cela a été un choc, à la fois par sa richesse et par son état. C'est aussi une grotte immense par rapport à d'autres en France : elle fait 8 500 mètres carré de surface, 80 000 mètres cube. On a des points d'altitude à 17 mètres. Marie Bardisa

S'agissant de sa conservation exceptionnelle, il faut dire que la grotte nous parvient avec des atouts extraordinaires puisque premièrement, c'est une grotte qui est restée fermée pendant très longtemps parce que son porche s'est effondré il y a 21 600 ans. Deuxièmement, elle a découverte assez tardivement, il y a 27 ans, à une époque où l'on avait l'expérience de grottes mal protégées, un peu trop ouvertes au public. Un autre point important, c'est que la grotte a été découverte par des spéléologues aguerris qui ont pris des précautions extrêmement satisfaisantes : ils ont placé des plastiques au sol, etc. Et de toute façon, la haute concentration en CO2 de l'air dans la grotte ne permet d'y aller que quatre mois par an. Marie Bardisa

Le sacré et les mythes

Lorsqu'on entre dans la grotte Chauvet, on a l'impression d'avoir affaire à quelque chose de sacré. Le religieux, c'était quelque chose que ces hommes connaissaient ?

Je n'aime pas ce mot, mais c'est quelque chose de cet ordre. On peut parler de mythologie, car c'étaient des mythes qui organisaient la société. Il n'y a pas de société sans écriture qui n'ait pas de mythe : il dit ce qui s'est passé dans le passé, comment on interagit dans le présent et comment on va aller vers le futur. Carole Fritz