La France à travers "Nous". Alice Diop est l’invitée des Matins

Une photographie du film d'Alice Diop "Nous"
Une photographie du film d'Alice Diop "Nous" - Sarah Blum - Totem Films
Une photographie du film d'Alice Diop "Nous" - Sarah Blum - Totem Films
Une photographie du film d'Alice Diop "Nous" - Sarah Blum - Totem Films
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Le 16 février prochain, sort en salle le documentaire « Nous » réalisé par Alice Diop. Elle est l’invitée des Matins avec Chloë Cambreling.

Avec

À partir de "Nous", la cinéaste Alice Diop suit la ligne du RER B pour raconter d’autres histoires de la France. De la basilique Saint-Denis où l’on commémore toujours la mort de Louis XVI, aux cités, comme Aulnay-sous-bois où elle a grandi, en passant par le Mémorial de la Shoah à Drancy, Alice Diop filme la banalité du quotidien.

Dans ces portraits de « petites vies », c’est l’histoire de France qui se dessine dans sa complexité. Il y a l’histoire des rois, celle de la Shoah, mais aussi les mémoires des migrants italiens, puis africains, oubliées faute d’être racontées. Ces histoires vécues comme dérisoires par leurs protagonistes retrouvent leur légitimité à travers la caméra d’Alice Diop.

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Alice Diop est cinéaste, César 2017 du Meilleur court métrage pour “Vers la tendresse” (2016). Son dernier film, le documentaire “Nous”, Prix du Film Documentaire de la Berlinale 2021, sort en salles le 16 février.

Prendre le temps de regarder la banlieue et les existences

Alice Diop dédie son film à l’éditeur et écrivain François Maspero dont le livre "Les Passagers du Roissy-Express" lui a appris « à voir et à aimer ce que vous avez sous les yeux ».

Ce que j’avais sous les yeux étaient des choses qu’on ne m’a pas appris à aimer, que je n’arrivais pas à regarder. Quand on grandit en banlieue, on est mû par un désir d’ailleurs. Tout est construit pour nous signifier que ce qu’on a autour de nous, que nos vies ne sont pas dignes d’être racontés et regardés et que le bonheur et la réussite, c’est de quitter ces lieux et de tenter de s’inventer ailleurs.

J’ai grandi à Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis, et je vis toujours en Seine-Saint-Denis. Toute ma cinématographie s’est construite dans l’opposition à cette injonction-là. J’ai reconsidéré ces lieux, ces vies pour relégitimer ma propre histoire et celle de mes parents.

La ligne du RER B pour relier différents mondes

Le film d’Alice Diop ne suit pas, gare après gare, la ligne du RER B. Il circule librement autour de cet axe, s’arrête et regarde.

Je l’emprunte comme une ligne de pensée, une ligne de temps, une ligne métaphorique et non pas seulement comme un tracé géographique ou comme un cadre sociologique. C’est quelque chose de symbolique qui me permet de relier des mondes qui vivent à côté. Le cinéma me permet d’abolir ces frontières dans lesquelles les mondes restent côte-à-côte.

De l’intimité des archives manquantes à la question de l’histoire française

Ce "Nous" qui est le titre du film inclut la cinéaste à travers des archives familiales. Pourquoi s’inscrire et s’inclure dans ce "nous" ?

Ce "nous" est une addition de singularités. C’est ce que le film raconte et construit. (…) Offrir ma propre vie, ma propre intimité, c’était aussi me mettre au même niveau que tous les autres et donner à mes archives, à mon histoire familiale, le même statut. C’est-à-dire de raconter le récit d’une famille sénégalaise qui est devenue française par ses enfants après une quarantaine d’années de vie passées ici.

Au delà d’un intérêt privé et intime, ce qui m’intéresse dan l’idée de construire ce film à partir de mes archives, c’est que mes archives manquantes racontent bien plus que moi,  les lacunes de ces vies, la part manquante de toute une histoire française qu’on n’interroge pas et dont on ne sait peut-être pas encore tout à fait à quel point elle nous manque pour avoir une vision beaucoup plus complexe de ce que nous sommes.

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