La question migratoire remise sur la place publique, avec François Héran

Photo prise ce lundi à la Place de la République
Photo prise ce lundi à la Place de la République  ©AFP - MARTIN BUREAU
Photo prise ce lundi à la Place de la République ©AFP - MARTIN BUREAU
Photo prise ce lundi à la Place de la République ©AFP - MARTIN BUREAU
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Après le démantèlement sans ménagement d’un camp de migrants sur la Place de la République ce lundi soir à Paris, la question des conditions de vie de ces personnes suscite des interrogations. Comment la gestion de la question migratoire est-elle menée par le gouvernement français ?

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Dans la nuit de lundi à mardi plusieurs centaines de migrants ont été évacués de force de la Place de la République à Paris. L’opération menée par des associations visait à réclamer une solution d'hébergement pour des centaines de migrants. Alors que la crise sanitaire aggrave les conditions de vie de ces personnes, les opérations d’évacuation des camps continuent d'invisibiliser les migrants présents sur le sol français. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur a condamné les “images choquantes” de policiers faisant usage de la force pour démanteler ce camp et a demandé à ce qu’une enquête soit ouverte. Dans la foulée, la défenseure des droits, Claire Hédon, a annoncé se saisir des faits. Doit-on considérer cet événement comme une défaillance supplémentaire de l’État français dans la mise en place d’une politique migratoire ? La question migratoire doit-elle être remise sur la place publique ? 

Pour en parler ce matin, Guillaume Erner est en compagnie de François Héran, sociologue et démographe, professeur au Collège de France

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Dissuader les demandeurs par la force

"Les pratiques de la police ont été exacerbées par tout ce qui se passe ces dernières semaines. Le ministre de l’Intérieur semble donner totalement carte blanche à la police et ne tente jamais de lui rendre une certaine sagesse. Je pense qu’il faut commencer par écouter les chercheurs spécialisés dans la question qui ont fait des comparaisons avec les comportements des polices à l’étranger. Ils insistent sur le fait que la formation des policiers en France est beaucoup trop courte et qu’il faudrait encadrer tout cela plutôt que d’avoir des expressions toujours unilatérales sur le comportement de la police."

Il y a un peu l’idée que plus on maltraite les demandeurs d’asile, plus on les dissuadera. Mais l’expérience montre que ça ne modifie en rien la  courbe des demandeurs d’asile. (François Héran)

Une politique d'accueil français qui manque d'anticipation 

" Nous avons l’impression qu’il manque un temps d’anticipation. Nous  sommes sans cesse surpris et débordés par des regroupements qui s’effectuent. C’est vrai qu’il y a une pression de la demande d’asile en France qui augmente peu à peu mais elle s’explique par la mise à  l’écart dont s’est rendue responsable la France lors des années d’afflux les plus importants de demandeurs d’asile entre 2014 et 2016. Nous avons accueilli 5 fois moins de migrants que les Allemands et sommes restés en dessous de la moyenne européenne. Nous avons cru pouvoir nous tenir à l’écart par rapport à la répartition de l’accueil en Europe. Mais nous nous apercevons en réalité que cette stratégie de bras fermés ne pouvait pas fonctionner." 

Que deviennent les déboutés ? 

Il y a toujours deux théories : il y a la théorie consistant à dire qu’ils vont tous rester. C’est assez frappant de voir que certaines personnes vont nous dire que tous les déboutés d’Allemagne finissent en France et inversement. La vérité est évidemment entre les deux. Les déboutés cherchent d’autres solutions. Une partie finira par être régularisée car ils vivent en famille et si la situation d’un conjoint se régularise, elle pourrait se régulariser également pour eux. Il n’y a pas de barrières complètement tranchées entre le régulier et l’irrégulier, le légal et le clandestin. La frontière est très poreuse entre les deux catégories. (François Héran)

Des populations plus affectées par le virus 

" Plusieurs enquêtes ont été menées et disent toutes la même chose. Il y a les données de l’Insee sur le surcroît de mortalité au niveau local et selon le pays de naissance par rapport aux semaines équivalentes des années précédentes. La dernière étude publiée par l’Insee montre qu’il y a un surcroit de mortalité considérable dans les départements où il y a une concentration d’immigrés plus forte (notamment en Seine-Saint-Denis)."

Vous pouvez (ré)écouter l'interview en intégralité en cliquant sur le player en haut à gauche de cette page.

Et pour écouter la seconde partie de l'émission consacrée à l'apprentissage de la vie au temps de l'incertitude en compagnie du psychiatre Serge Hefez, vous pouvez cliquer ici

Le Reportage de la rédaction
4 min

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