L’écrivain ukrainien Andrei Kourkov raconte dans son dernier roman "Les abeilles grises" la vie des civils piégés dans la zone grise entre les armées ukrainiennes et les forces séparatistes pro-russes.
- Andreï Kourkov Ecrivain
Depuis l’annexion de la Crimée et le début de la crise à la frontière est de l’Ukraine, environ 1,5 million de citoyens ukrainiens ont été déplacés à l'intérieur du pays. De nombreuses régions de l'est de l'Ukraine où les combats sont les plus intenses sont devenues presque désertes. Dans Les abeilles grises, l’écrivain ukrainien de langue russe Andreï Kourkov raconte que la zone grise n'est pas exactement un no man's land.
Dans son récit, le village de Mala Starogradivka, coincé entre l’armée ukrainienne et les forces séparatistes pro-russes, compte encore deux habitants, l’apiculteur Sergueï Sergueïtch et son voisin et ennemi juré d’enfance, Pachka Khmelenko. Pashka et Sergueï sont aussi différents que les rues dans lesquelles ils vivent - les rues Lénine et Chevtchenko - mais la première moitié du roman s’attache à décrire leur amitié improbable et leur quotidien en temps de guerre.
Les abeilles grises explore ensuite le périple de Sergueï de la zone grise à la Crimée en passant par Vesele en Ukraine à la recherche d’un endroit pour installer temporairement ses ruches. Le lecteur suit le voyage du personnage dans sa Tchetviorka verte et son éveil progressif à la réalité du conflit, à l’intérieur ou l’extérieur de la zone grise.
A travers la vie quotidienne de Sergueï et son soin pour ses abeilles, c’est bien la crise ukrainienne et la situation criméenne que raconte Andreï Kourkov et il nous montre à travers une écriture simple, joyeuse et parfois drôle comme la littérature peut déplier les nuances et la complexité du conflit.
La situation en Ukraine
Que se passe-t-il à Kiev actuellement ?
L’atmosphère est celle de toujours, beaucoup de gens sont dans les rues, les restaurants et cafés sont complets, mais il y’a du fatalisme et de la nervosité dans l’air. Les gens rejoignent les cours de défense territoriale, les aides médicales d’urgence.
Le journal Le Monde nous apprend que la population ukrainienne a découvert récemment les abris dont il faudrait peut-être se servir.
Des abris étaient construits pendant l’Union soviétique en cas de guerre avec l’OTAN. Maintenant ils sont restitués et préparés en cas de guerre avec la Russie. Il y en a 5000 à Kiev. Le maire de la ville a annoncé que les stations de métros seraient aussi utilisées.
Le fait que les ambassades occidentales aient décidé de rapatrier leurs ressortissants a-t-il fait monter le niveau d’angoisse à Kiev ?
Il y a beaucoup de diplomates qui ne veulent pas partir. C’est difficile d’être objectif par rapport au danger. 60% des Ukrainiens ne croient pas que la guerre puisse arriver. Je ne pense pas que la Russie ait la force et l’argent pour occuper l’Ukraine. Je pense que la guerre est possible, mais pas la guerre totale avec l’occupation de toute l’Ukraine.
Est-ce qu’on peut imaginer une Ukraine européenne ?
Pour moi l’Ukraine est déjà membre de l’Union européenne d’Europe de l’est.
L’Ukraine est un grand pays, de la même taille que la France. Si une guerre commence en Ukraine, ça sera une guerre européenne, qui touchera la vie en France, en Allemagne, et qui détruira la stabilité européenne.
La zone grise, coincée dans le conflit
Le roman Les abeilles grises se passe dans la zone grise, non pas dans les factions en guerre à l’est et au sud du pays mais au milieu. L’action est située dans le village de Mala Starogradivka et le roman raconte cette vie qui n’est pas une vie normale mais qui n’est pas la guerre non plus. Est-ce une métaphore pour retranscrire l’état de l’Ukraine aujourd’hui ?
C’est une métaphore mais aussi une réalité pour beaucoup de gens qui habitent dans cette zone grise aujourd’hui. La longueur de la zone grise est la même que celle de la ligne de front : 430 km. Il y a beaucoup de villages abandonnés ou presque. Si la guerre commence, la zone grise aura la même longueur que les frontières avec la Russie : 3000 km. Les gens qui restent-là sont ceux qui ne veulent pas partir et devenir réfugiés. Depuis le début de la guerre du Donbass, on compte 1,5 millions de réfugié en Ukraine et 800 000 en Russie.
La zone grise commence dans la tête. Les gens arrêtent de penser dans quel pays ils habitent, quel est leur rapport à la politique du pays. Ils deviennent très passifs et veulent seulement survivre.
La langue russe en Ukraine
Andreï Kourkov écrit en russe et non en ukrainien.
C’est ma langue maternelle. Aujourd’hui 40-45% des Ukrainiens parlent russe. Mais beaucoup de jeunes parlent aussi l’ukrainien car l'éducation est dispensée en ukrainien. L’Ukraine a été russifiée à l'époque de l’Union soviétique. Avec la langue russe, c’était la mentalité russe qui s’imposait. Maintenant la langue ukrainienne essaie de reprendre le territoire perdu. La mentalité individualiste et un peu anarchiste ukrainienne remplace la mentalité collective soviétique russe.
Russophone ne veut donc pas dire russe ?
La question des langues va trouver sa solution quand on pourra parler de minorité russe, c’est-à-dire quand les gens russophones qui ne sont pas russes arrêteront de parler russe.
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