Le plus grand camp de migrants de l’Union Européenne a été détruit par les flammes.
- François Gemenne Spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations, directeur de l’Observatoire Hugo à l’université de Liège, enseignant à Sciences-Po et à la Sorbonne
- Mathilde Weibel Auteur
5 ans après la crise migratoire qui a secoué l’Union Européenne et alors que le plus grand camp de migrants de l’Union Européenne a été détruit par les flammes, les migrants se retrouvent à nouveau au carrefour de nouvelles difficultés, marquées par l’épidémie et une politique européenne qui peine à se synchroniser. Qu'est-ce que l'épidémie mondiale a changé aux flux migratoires ? Quel bilan tirer de la politique européenne ? Le drame du camp de la Moria peut-il renouveler les conditions d’accueil ?
Avec Mathilde Weibel, interprète en langues afghanes, présente sur le camp de Moria depuis mars et François Gemenne, chercheur à l’université de Liège, enseignant à Sciences-Po et membre du GIEC, auteur de “On a tous un ami noir : Pour en finir avec les polémiques stériles sur les migrations”, éd. Fayard (à paraître le 30 septembre)
Fatalité d'un drame prévisible
" L’incendie de Lesbos est le résultat inéluctable de cinq ans d’inaction complète en matière d’asile et d’immigration de la part de l’Union Européenne. Il devait forcément arriver un drame comme cela dans des camps qu’on laisse complètement à l’abandon, qui sont surpeuplés et qu’on laisse dans des conditions indignes. C’est une situation qu’on laisse pourrir depuis des années." François Gemenne
Depuis 2015, le camp est en surpopulation extrême. Il y a une situation d’insalubrité difficile à décrire. Les gens vivaient dans la saleté au milieu des rats et des cafards. Des milliers de personnes partagent les mêmes installations sanitaires. L’accès à l’alimentation est également très difficile. C’est un camp qui a toujours été un enfer pour les gens qui y vivaient. Mathilde Weibel
Lesbos, symbole d'une politique migratoire européenne défaillante
" Il y a encore dans l’esprit de beaucoup de gens l’idée que les frontières sont la variable d’ajustement des flux mondiaux. Si on ouvre les frontières, tout le monde va venir et si on les ferme personne ne viendra. Mais ça ne marche pas comme ça. Jamais les gens ne se décident à partir parce qu’une frontière est ouverte. Le seul effet des frontières fermées est de rendre les migrations plus dangereuses et couteuses." François Gemenne
" Depuis six mois, les habitants de Moria étaient confinés avec interdiction de sortir. Toutes ces personnes se retrouvent dans la rue avec nul part où aller. La police empêche les migrants d’avancer et restent sur les routes autour du camp." Mathilde Weibel
Il y a un impératif humanitaire à reloger ces personnes. A moyen terme, il faut d’urgence avoir une vraie politique européenne en matière d’immigration et d’asile pour éviter précisément que les gens soient parqués dans des camps aux frontières de l’Europe parce que l’on ne veut ni les voir, ni les accueillir. Ce sont des situations qui ne sont pas tenables. François Gemenne
Qui sont les passeurs ?
" Les passeurs sont en général des gens du pays. Souvent ce sont des personnes installées depuis longtemps dans le pays, qui parlent grec et sont intégrées. Ils voient ça comme une manière d’aider leurs compatriotes. " Mathilde Weibel
La lutte contre les passeurs semble être la priorité absolue de tous les gouvernements européens. Mais le paradoxe est que lorsque l’on ferme les frontières, on se rend complice des passeurs. Ce qui va faire prospérer les passeurs c’est le fait de fermer les frontières. Et aujourd’hui, ce sont les passeurs qui décident de la politique migratoire en choisissant qui entre et qui ne rentre pas. François Gemenne
Lesbos, l'enfer et la pandémie
" Quand les réfugiés sont arrivés à Lesbos au début de l’année 2015, les habitants de l’île ont beaucoup aidé les gens qui arrivaient. Petit à petit, les gens ont perdu espoir et considèrent qu’ils ont été laissés à eux-mêmes. Depuis plusieurs mois, on assiste à une recrudescence des tensions et ça devient très difficile pour les étrangers de vivre ici car ils se font agresser, ils se font refuser certains cafés et certains lieux. Et puis il y a des attaques de mouvements d’extrême-droite envers les étrangers." Mathilde Weibel
En plus de tous les dangers auxquels sont exposés les réfugiés, la menace de la pandémie a été une angoisse latente qui pesait au-dessus d’eux. Les personnes ont été confinées durant six mois et les réfugiés n’avaient aucun moyen de sortir du camp. Depuis le début du mois de septembre, la situation épidémique devient incontrôlable. L’hôpital commence à être submergé. C’est un hôpital qui n’est pas préparé à gérer une crise d’une telle ampleur. Mathilde Weibel
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