Libertés individuelles et responsabilité collective : un exercice d’équilibriste. Avec Jean-Pierre Le Goff

 « Nous avons besoin de tenir mais aussi d’avoir des perspectives », a déclaré Jean Castex le 4 mars. Que révèle cette politique qui vise à la fois à protéger et ménager les français ?
 « Nous avons besoin de tenir mais aussi d’avoir des perspectives », a déclaré Jean Castex le 4 mars. Que révèle cette politique qui vise à la fois à protéger et ménager les français ? ©AFP - VALERY HACHE
« Nous avons besoin de tenir mais aussi d’avoir des perspectives », a déclaré Jean Castex le 4 mars. Que révèle cette politique qui vise à la fois à protéger et ménager les français ? ©AFP - VALERY HACHE
« Nous avons besoin de tenir mais aussi d’avoir des perspectives », a déclaré Jean Castex le 4 mars. Que révèle cette politique qui vise à la fois à protéger et ménager les français ? ©AFP - VALERY HACHE
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Retour sur les annonces du gouvernement avec le sociologue et philosophe Jean-Pierre Le Goff. Il signe “La société malade : comment la pandémie nous affecte” (Stock) et y analyse les effets de la pandémie sur la société.

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Face à l'épidémie de Covid-19 qui ne ralentit pas, Jean Castex a fait le point ce jeudi sur les restrictions dans les 20 départements placés la semaine dernière sous "surveillance renforcée". La tension reste importante dans le système hospitalier mais le territoire connaît de fortes disparités. Certaines mesures attendues ont été confirmées : le Pas-de-Calais sera confiné les prochains week-end. Paris et Marseille, un temps envisagés, ne seront pas concernés par la mesure. Des dispositions supplémentaires pour les départements “sous surveillance renforcée” seront prises par les préfets.

Comment la pandémie a-t-elle affecté l’exercice du pouvoir politique ? Que révèle cette politique qui vise à la fois à protéger et ménager les français ? Comment penser le monde de demain ?

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C’était très étrange ce premier confinement avec ces images de morts partout alors qu'il y avait des situations très contrastées entre l’Est et l’Ouest par exemple. Il y avait des services d’urgence débordés d'un côté et d’autres où il ne se passait pas grand-chose. Mais il y avait un même sentiment d’angoisse qui s'est diffusé, même si vous n’étiez pas concerné, il y avait  un coté irréel.

Cet État d'urgence sanitaire c’est quand même pas rien. La question est de savoir si oui ou non on est sorti de l’État de droit. Je pense qu’on y est toujours mais le problème c'est l’interprétation qui se développe chez les intellectuels gauchisants qui voient une sortie de la démocratie, un monde à la Orwell 1984. C’est un délire d’interprétation.

La question est de savoir s’il s’agit de délires autoritaristes. Qu’est ce qui est cause ? Une volonté de contrôle sur les esprit ou une situation où on essaye de contrôler les choses ? Je ne pense pas qu'on puisse dire qu’on est sorti du système démocratique.

Il faut rester vigilant sur le mode de gouvernement qui s’est constitué pendant l’épidémie notamment le conseil sanitaire qui est un problème pour la démocratie. Il y a une équipe du conseil de sécurité sanitaire autour du président de la République, mais que devient le gouvernement ? Que deviennent les représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat ?

Le direct et les médias en continu sont une nouvelle donne considérable. C’est une bulle de paroles qui gonfle et où le rapport à la réalité devient problématique. Elle passe par une forme de proximité émotionnelle qui vous fait perdre le distance nécessaire pour apprécier la situation. Sur les polémiques scientifiques, cette tendance est évidente.

Je pense que les intellectuels devraient s‘articuler avec les travailleurs et pas seulement être dans une critique purement réactive. Il faut une forme de liaison qui respecte l’autonomie de chaque domaine. Il faut tisser un lien entre culture générale, sciences humaines, qui peuvent éclairer d’une certaine façon la population, mais tout en laissant à chacun dans son domaine, sans exercer une expertise.

Avec le confinement il y a eu un temps arrêté. On est dans un moment hors de l’histoire d’une certaine façon. C’est dans ces moments-là qu’on réinvestit dans les utopies. On en a profité pour dire « je vous l’avez bien dit, voilà ma solution » et on est parti sur des débats à n’en plus finir. La question est : quel est le rapport à la réalité ? On est dans une société bavarde, il y a une bulle langagière qui gonfle, sans rien changer au réel. 

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