

Mercredi, la manifestation du 1er mai s’est caractérisée par des affrontements entre forces de police, Gilets jaunes et des individus de la mouvance « black blocs ».
- Anne Muxel sociologue et politologue, directrice de recherche au Cevipof, spécialiste du rapport des jeunes à la politique
- Sylvain Boulouque historien et enseignant-chercheur à l'Université de Reims.
Selon la préfecture de police, près de 1 200 individus cagoulés et masqués s’étaient massés devant le cortège syndical lors du défilé parisien. Suite à l’intrusion de manifestants dans l'enceinte de l'hôpital Pitié-Salpêtrière, le ministre de l'Intérieur a condamné une « attaque » imputée aux « black blocs ». Sa version partagée par plusieurs membres du gouvernement, est néanmoins remise en question par des témoignages et vidéos relayées sur les réseaux sociaux, qui appuyent la thèse d’un mouvement de panique. Alors que les derniers mois ont été marqués par de nombreux actes violents au cours des manifestations de Gilets jaunes, les méthodes de lutte deviennent-elles de plus en plus radicales ? Quelle place a la violence politique dans l’histoire des mouvements sociaux ? Quel est le profil des membres des « black blocs » ? Pour répondre à ces questions, notre invité est Sylvain Boulouque, historien des mouvements sociaux
Il est rejoint en deuxième partie d’émission par Anne Muxel, directrice de recherches au CNRS (Cevipof/Sciences Po), auteure notamment de Politiquement jeune (ed. de l’Aube / Fondation Jean Jaurès) et de _La tentation radicale. Enquête auprès des lycéens (_PUF)
Sylvain Boulouque, historien des mouvements sociaux :
Le « black bloc » est une pratique de manifestation. C’est davantage une pratique de rue qu’un groupe politique. Ses membres bénéficient d’une empathie globale d’une partie de la population, notamment une partie de la gauche anticapitaliste et le phénomène des Gilets jaunes.
Tous les groupes sociologiques peuvent participer au phénomène « black blocs ». Il y a un autre type de violence qui est la violence urbaine. Le fil conducteur est le problème avec la police, c’est une tendance qu’on retrouve dans les témoignages. Il y a cette animosité forte vis-à-vis des forces de l’ordre qu’on retrouve actuellement dans le mouvement des Gilets jaunes .
Pour avoir une action qui marche, il faut qu’elle ait un impact médiatique immédiat. Il faut qu’elle soit symboliquement forte et très visible. Ça sous-entend quelque chose de spectaculaire, sans forcément un rapport à la violence, mais la violence fait partie des moyens de lutte relativement visibles pour avoir un impact immédiat
Anne Muxel, directrice de recherches au CNRS :
Ce qui me frappe c’est l’indifférence des jeunes vis-à-vis d’Emmanuel Macron. Il n’arrive pas à attirer leur vote, ni à attirer leur protestation autrement qu’à travers ces forces extrêmes.
La jeunesse peut se sentir attirée par les idées radicales, mais ça ne veut pas dire pour autant qu'elle va passer à des actes violents. Ce qui caractérise la jeunesse en France, c’est cette culture protestataire : ils vont dans les manifestations, c’est devenu une expérience légitime, quasi familière pour la jeunesse. Cette culture protestataire s’est banalisée.
En revanche, le passage à la violence, à la radicalité de rupture, concerne une minorité : cela concerne un jeune sur cinq. Ils ont des profils sociologiques particuliers. Dans notre enquête, on a pu mesurer que les jeunes qui se sentent plus discriminés dans leur rapport aux institutions scolaires, qui sont dans des filières professionnelles, avaient un peu plus de propension à adopter des positions plus radicales, mais ça n’est pas aussi évident que ça.
Cette mobilisation des jeunes pour le climat ne s’adresse plus à l’échelon des pouvoirs nationaux ou européens, mais ils interpellent à une échelle mondiale.
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