Derrière l’attentat de Buffalo qui a coûté la vie à dix personnes, on retrouve un partisan du suprémacisme blanc, et un adepte de l'idéologie du “grand remplacement”.
Les États-Unis sont sous le choc après l’assassinat de dix personnes au cours d’un attentat ce samedi à Buffalo. Le terroriste a laissé, pour expliquer son geste, un manifeste de 180 pages, dans lequel il déploie un antisémitisme et une négrophobie ultra-violents.
Depuis plusieurs années, les violences d’extrême-droite se multiplient aux États-Unis, et les autorités ont récemment déclaré que le suprémacisme blanc constituait un risque sécuritaire de première ordre.
Mais depuis l’élection de Donald Trump, c’est aussi tout un mouvement réactionnaire qui se développe et parvient à introduire certaines de ses obsessions dans les médias et les cercles politiques conservateurs, au premier rang desquelles le “grand remplacement".
Nos invités
Sylvie Laurent : historienne, professeure à Sciences Po, spécialiste des Etats-Unis, auteure de Pauvre petit blanc (Maison des Sciences de l’Homme (MSH), 2020)
Nicolas Lebourg : historien, chercheur à l’université de Montpellier, spécialiste de l’extrême-droite
Le suprémacisme blanc, inscrit dans les racines de la construction des Etats-Unis
Sylvie Laurent rappelle que la suprématie blanche a présidé la construction des États-Unis : “Avant d’être un mouvement politique, ou en tout cas de s’incarner sous une forme activiste comme celle tragique qui vient de s’exprimer à Buffalo, la suprématie blanche c’est un appareil idéologique qui veut que la population blanche soit aux États-Unis, comme dans un certain nombre d’anciennes colonies britanniques, naturellement destinée à dominer le reste de la population. C’est l’idéologie qui a présidé à la construction des États-Unis et à son évolution.”
Elle explique que le suprémacisme blanc n’est pas une rupture mais "la chose la plus américaine qui soit".
"On peut parler d’une forme de radicalisme, d’entreprise terroriste”
Selon Sylvie Laurent, il y a une forme de complaisance, de sous-estimation du poids du suprémacisme blanc dans la société : “O_n a toujours le sentiment lorsque un jeune blanc prend les armes et va massacrer, comme ça été le cas à El Paso des hispaniques, à Charleston des noirs, et ici encore à Buffalo des noirs, ou à Pittsburgh des juifs dans une synagogue, on parle d’un lot solitaire, d’un acte isolé.” _
Un mouvement politique coordonné s’est créé aux États-Unis : “On se trompe en ne voyant pas qu’il y a un mouvement politique coordonné, quelque chose qui unit ces différents mouvements par les réseaux sociaux mais aussi par un socle littéraire, idéologique commun qui fait que l’on peut parler d’une forme de radicalisme, d’entreprise terroriste. Tant que les choses n’auront pas été lues comme telle, qu’il existe un terrorisme domestique organisé aux Etats-Unis, il y aura une faillite dans la capacité à prévenir et à contrer ces attaques qui sont appelées à se renouveler.”
L’origine de l’expression du “grand remplacement”
Nicolas Lebourg rappelle que l’expression du “grand remplacement” n’est pas née en France : “Le terroriste Payton Gendron dans son manifeste, comme Brenton Tarrant avant Christchurch, en parle en l’appelant le "génocide blanc". C’est une expression née dans le milieu années néonazie américain, en 1972, c’est l’équivalent de notre “grand remplacement”. Il y a, en revanche, une légère différence, c’est qu’il y a ZOG (Zionist Occupation Government) c’est le gouvernement juif mondial caché derrière le gouvernement démocratique qui organise ce “grand remplacement''. On retrouce cette idée en France dès la libération, entre 1944 et 1949. S’est mise en place dans la presse d’extrême droite cette idée que le complot juif mondial est en train d’essayer de détruire l’Europe par l’immigration massive. Mais en soit cette expression de “grand remplacement” ne recouvre pas une théorie politique complexe, elle correspond à cette mythologie raciale qui se met en place pendant la Seconde Guerre mondiale.”
La circulation des idées, une circulation de signes, de symboles
Nicolas Lebourg explique que la circulation des idées est une circulation de signes, de symboles mais pas d’un corpus de livres, comme ceux de Renaud Camus : “On le voit d’ailleurs quand on regarde le manifeste de Buffalo, de manière simple. Dès la couverture c’est marqué du soleil noir (qui est le symbole des accélérationnistes depuis quelques années, des nationalistes blancs) qui était sur la couverture de Brenton Tarrant. De même qu’il y a un certain nombre de copiés-collés du manifeste de Brenton Tarrant. On est sur un marché des signes interchangeables à l’échelle mondiale, pas sur du référentiel doctrinal avec des grands textes étudiés et cinquante-trois programmes.”
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