Pierre-Michel Llorca est co-auteur de Psychiatrie, l'état d'urgence, dans lequel il raconte un système psychiatrique "qui craque de toutes parts et engendre de la souffrance pour les malades, leurs proches et les équipes médicales".
- Pierre-Michel Llorca Psychiatre, professeur de psychiatrie, chef de service au CHU de Clermont-Ferrand
- Raphaël Gaillard Professeur de psychiatrie à l'Université Paris-Descartes et responsable du pôle psychiatrie de l'hôpital Saint-Anne
Qui sait qu’un français sur cinq souffre de troubles mentaux ? Longtemps à la pointe de la modernité médicale et légale, la psychiatrie française est désormais le parent pauvre de nos politiques de santé publiques.
Médecins insuffisamment formés et mal répartis sur le territoire, familles obligées d’attendre plusieurs années avant d’obtenir un diagnostic, traitements médicamenteux inadaptés, soins mal coordonnés, hôpitaux désarmés face à des besoins grandissants, perte d’espérance de vie significatives pour les patients : la psychiatrie française traverse une crise d’autant plus oubliée que les stigmates entourant les maladies mentales persistent aussi bien au sein de la population que dans les représentations qu’en font les médias.
Comment sortir la psychiatrie française de l’isolement ?
La psychiatrie : un tabou
La réalité c’est que la psychiatrie soigne de nombreux troubles - certains transitoires, certains plus marqués. La réalité c’est aussi qu’au quotidien, tout le monde, dans son entourage, connaît des personnes qui ont à faire à la psychiatrie… Mais on en parle toujours avec beaucoup de discrétion, on en parle peu, on a une certaine honte à en parler… On a la vision que la psychiatrie s’occupe de problèmes dont on ne veut pas parler. Pierre-Michel Llorca
La privation de liberté
La psychiatrie, dès le milieu du XIXème (la loi de 1938), définissait les modalités d’hospitalisation en psychiatrie : on définissait le fait que des patients pouvaient être privés de liberté pour être hospitalisés en psychiatrie… C’est un problème et en même temps une des spécificités de la psychiatrie. Pierre-Michel Llorca
La psychiatrie : un problème de coordination
Le système français est très ambitieux et sophistiqué, très envié. Il a été conceptualisé il y a 60 ans, mais l’évolution de la démographie, notamment médicale, le mettent en difficulté par rapport à son opérationnalité… Beaucoup de modifications se mettent en oeuvre en France mais il y a un défaut de coordination. Nous sommes assez insatisfaits de cette coordination. Car ce système a vraiment des atouts forts… Par rapport à l’ensemble des pays de l’OCDE, on est le troisième pays en nombre de psychiatres par rapport à la population. Donc on n’est pas si mal placé, mais c’est un problème d’organisation. Pierre-Michel Llorca
Les soins, les anti dépresseurs
Aujourd’hui, en 2018, la probabilité que vous puissiez être bien soigné d’une maladie mentale, est bien différente d’il y a 60 ans. Raphaël Gaillard
Sur les anti dépresseurs, on ne peut pas parler de trop de prescription mais de mauvaise prescription. La problématique est en amont : la prescription des anxiolytiques, des molécules dont la prescription devrait être limitée dans le temps. Ils sont surprescrits parce que l’expérience de ce type de traitement est immédiate. Mais la problématique nécessite un traitement de fond. La problématique étant aussi que les collègues de premier recours, les généralistes, souvent, se trouvent arrêtés à cette première ligne de réponse… Dans l’exercice de tous les jours, la prescription médicamenteuse permet une amélioration qui rend possible la psychothérapie... L’enjeu de la prescription est un enjeu de soins… Raphaël Gaillard
Il faut distinguer ce qui relève de la maladie mentale, des troubles mentaux La probabilité de faire un épisode dépressif dans votre vie est de 1 sur 5. Raphaël Gaillard
La dépression toucherait 7 à 10 % des Français : c’est un épisode mais aussi une maladie fortement récidivante. Pierre-Michel Llorca
Le titre de psychothérapeute
Le titre de psychothérapeute est réglementé par la loi depuis 2010 : il y a la nécessité de se faire valider avant de pouvoir exercer sous ce titre. Pierre-Michel Llorca
La classification des maladies
Il faut faire attention à ce que l’on ne transforme pas des enjeux de souffrance sociale (comme le Burn out), en maladie mentale… Raphaël Gaillard
Le DSM, ou la classification de l’OMS, sont des classifications qui permettent de porter un diagnostic selon des critères consensuels. Cela étant, la portée de ces outils est de constituer la première brique, le premier élément sur lequel s’accorder, mais ensuite, l’histoire commence. Cet individu souffre d’une dépression, mais son histoire et son expérience sont singulières. C’est le travail du psychiatre que de distinguer ces choses. Raphaël Gaillard
L’industrie pharmaceutique
En réalité, l’industrie pharmaceutique abandonne la santé mentale… Le modèle de l’industrie a changé pour, essentiellement, non pas traiter le plus grand nombre, mais définir le plus précisément les individus qui peuvent bénéficier d’un traitement. Raphaël Gaillard
Les neurosciences et la psychiatrie
Le premier bénéfice des neurosciences, c’est de faire le lien avec des champs de connaissance très différents : la diversité des processus inconscients, avec des outils objectivés… Ce n’est pas forcément un progrès vers le médicament mais plutôt des enjeux psychiques. Par exemple : stimuler plus précisément certaines zones cérébrale. Raphaël Gaillard
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Production déléguée
- Réalisation