Le 11 mai, le ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye doit annoncer des mesures pour renforcer la mixité sociale et scolaire dans les établissements scolaires français. Comment faire participer davantage l’enseignement privé à l’impératif de mixité sociale ?
- Elise Huillery économiste et professeure en économie du développement à l’université Paris-Dauphine
- Philippe Delorme Secrétaire général de l'enseignement catholique
Après avoir ouvert le chantier de la revalorisation enseignante et du harcèlement à l’école, Pap Ndiaye s’attaque au sujet de la mixité sociale et scolaire. Comment faire participer l’enseignement privé à cet effort ? L'économiste Elise Huillery , spécialiste de l'éducation, et le secrétaire général de l'enseignement catholique Philippe Delorme examinent les conditions de revalorisation du corps enseignant français, débattent des politiques de la mixité sociale et scolaire et de la participation de l'enseignement privé catholique à cet effort social.
“Reconduire sur plusieurs années la revalorisation enseignante”
La spécialiste de l’éducation Elise Huillery souligne que “les enseignants français sont nettement moins bien payés que les enseignants des pays voisins, par exemple l'Allemagne, un pays où les enseignants sont très bien payés. La Belgique et l'Espagne sont aussi des pays dans lesquels les enseignants sont nettement mieux payés que les enseignants français”. Elle ajoute que “ceci est d'autant plus vrai lorsque l’on focalise l’attention sur les enseignants du primaire. Sur ce point, les réformes annoncées par le gouvernement sont décevantes sur deux niveaux : premièrement parce que l'on avait annoncé avant la négociation une revalorisation de 10 % de tous les salaires des enseignants. Or la réalité, c'est 5,5%. Et deuxièmement, les 5 à 8 % de la revalorisation “socle” ne vont pas du tout permettre aux enseignants français de combler l'écart par rapport à ce que l’on observe dans les autres pays”. La chercheuse conclut : “il faudrait que cette réforme soit reconduite plusieurs années de suite pour combler progressivement l'écart et augmenter l'attractivité du métier qui en fait le vrai sujet”.
L’effort national en matière d'investissement éducatif est-il suffisant ? “Il est insuffisant, relève Elise Huillery. Il a été d'un point de plus de PIB dans les années 1990, donc on était à 7 % de PIB dans les dépenses d'éducation pendant les années 1990, on n'est plus qu'à 6,8% du PIB aujourd'hui". Elle précise : "pour donner une idée un peu plus concrète de ce que cela représente : on investit 20 milliards de moins aujourd'hui qu'il y a 20-25 ans. Donc clairement, il n'y a pas de raison d'avoir désinvesti de la sorte dans l'éducation”.
Intégrer le privé dans les politiques publiques de mixité sociale
Après avoir dressé un bilan de la ségrégation sociale et scolaire en France, Elise Huillery et Philippe Delorme débattent du rôle de l’enseignement privé dans l’effort commun de mixité sociale. Le Secrétaire Général de l'Enseignement Catholique indique que l’impératif de mixité sociale est également une prérogative de l'enseignement privé catholique. “Il est vrai que Paris est un cas un peu particulier", indique t-il. "L'histoire de notre implantation fait qu'il y a moins de mixité sociale que dans d'autres territoires de la France. Mais il ne faut pas oublier que ce manque de mixité sociale dans certains lieux n'est pas un choix, contrairement à ce que l’on peut entendre parfois". Il ajoute : "l'une des difficultés pour les familles les plus modestes, les plus pauvres vient justement du fait qu'elles n'aient pas aujourd'hui réellement la possibilité de nous choisir puisque lorsqu'elles inscrivent leurs enfants dans un de les établissements privés, elles perdent l'accompagnement social proposé par les collectivités, notamment pour la restauration scolaire".
La sélection scolaire ne repose pas uniquement sur des mécanismes financiers. Il y a aussi une sélection d'un savoir-être, et pas seulement d'un savoir-faire, et celui-ci empêche un grand nombre d'écoliers, de collégiens, et lycéens d'intégrer cet enseignement privé. “Il y a en effet une certaine autocensure des familles", souligne Philippe Delorme . "Ces familles n'osent pas toujours franchir le pas, et se disent que l’offre éducative ne leur est pas destinée. Il faut donc faire en sorte que ces familles ne s’autocensurent pas pour qu’elles osent franchir le pas de notre élite ”, conclut-il.
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