Rixes entre bandes : les mécaniques de la violence. Avec Marwan Mohammed et Muriel Eglin.

Rixe entre bandes : les mécaniques de la violence
Rixe entre bandes : les mécaniques de la violence ©Getty - Laurent Hamels
Rixe entre bandes : les mécaniques de la violence ©Getty - Laurent Hamels
Rixe entre bandes : les mécaniques de la violence ©Getty - Laurent Hamels
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La semaine précédente a été tout particulièrement violente : plusieurs rixes ont éclaté dans l'Essonne, mais aussi à Bondy, et un photo-reporter s'est fait agressé à Reims.

Avec
  • Muriel Eglin présidente du tribunal pour enfants de Bobigny
  • Marwan Mohammed Sociologue, chargé de recherche au CNRS (Centre Maurice Halbwachs).

Après les rixes mortelles en Ile-de-France, ministres et des préfets se sont réunis ce lundi, ainsi que les maires et le préfet de l'Essonne. Si les faits ont ému jusqu’au sommet de l’Etat, le phénomène n’est pas nouveau. 

Comment qualifier et quantifier cette violence ? Au-delà de ces affrontements, quels sont les enjeux sociaux ? Comment la norme sociale traverse-t-elle la justice des mineurs ? 

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Nous en parlons avec Marwan Mohammed, sociologue, chargé de recherche au CNRS (Centre Maurice Halbwachs). Il sera rejoint par Muriel Eglin, présidente du tribunal pour enfants de Bobigny et membre du comité directeur de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille (AFMJF)

Le rôle des bandes

Il faut comprendre pourquoi des adolescents sont prêts à prendre des risques physiques et judiciaires. Les bandes répondent à un besoin, un besoin d'ordre affective, un besoin d'ordre symbolique... La bande apporte des gratifications, offre un statu social, que peu d'autres groupes offrent. À travers les bandes on peut dégager du pouvoir d'achat ; pas juste par le vol et la délinquance, mais aussi le prêt, le partage...  Il y a aussi une dimension qui relève de l'identité sociale : le monde des bandes permet de s'inscrire dans une histoire locale, territoriale. Marwan Mohammed

La question de fond, c'est comment devenir quelqu'un dans une société qui valorise notamment le diplôme, l'emploi..., quand on est en dehors de ces circuits là. Le profil des jeunes qui participent aux bandes est parlant,  le lien entre scolarité et sociabilité est frappant : la grande majorité des jeunes qui participent aux bandes sont ceux qui sont le moins qualifiés et le plus démobilisés sur un plan scolaire. C'est dans ce vivier là que les bandes attirent. Marwan Mohammed

Chiffres officiels et quantification du phénomène

Sur le terrain, on ne constate pas forcément d'augmentation du nombre de rixes entre bandes. C'est une problématique que l'on connaît depuis de nombreuses années, et il y a de temps en temps des flambées avec une multiplication sur un temps court de telles rixes. Les statistiques issues des données du ministère de l'Intérieur de constatation des mouvements de population. Au niveau de la justice, les données statistiques du ministère de la Justice portent sur des qualifications pénales et notamment des violences en réunion. Et on n'arrive pas à distinguer à l'intérieur de ces statistiques ce qui relève des rixes et ce qui relève d'autre chose. Il faudrait une étude approfondie, une étude sociologique sur dossier pour pouvoir le déterminer. Muriel Eglin

Les chiffres donnés par Gérald Darmanin sont extrêmement en deçà de la réalité des conflits entre quartiers ou du nombre de bandes sur le territoire français. Parce que ce n'est pas un sujet qui est fondamentalement pris au sérieux par les autorités publiques. Il faut faire attention aux formes de communication politique. Des rixes, il y en a beaucoup plus que ce qui remonte jusqu'aux services de police et de justice et des tribunaux. Parce que la logique même des bandes, c'est d'éviter absolument les institutions policières et judiciaires. Donc, vous pouvez avoir des victimes de ces affrontements qui vont se présenter seule au tribunal, disant simplement 'j'ai été agressé' et ce ne sera pas compté comme une violence en réunion, juste une violence. Et parfois, il n'y a simplement pas de plainte. Marwan Mohammed

Le rôle de la justice : responsabiliser 

Le rôle de la justice des mineurs est notamment de protéger et de restituer des responsabilités. De protéger, d'une part, les différentes personnes impliquées, sachant que les phénomènes de rixe entraînent des phénomènes de vengeance, avec parfois des mises en danger de personnes. Ensuite restituer des responsabilités. C'est important de repérer ce que chacun a fait, et de nommer ses responsabilités. Enfin, le rôle de la justice des mineurs est d'éduquer et de sanctionner. On juge un acte, mais on juge aussi une personne et un parcours. La dimension éducative est essentielle puisque ce sont souvent de très jeunes adolescents qui sont impliqués, et leur perception des rapports sociaux, des relations entre jeunes et des relations enter l'enfant et l'adulte est encore en cours de construction. Et c'est tout le rôle de la justice des mineurs, mais aussi de la protection judiciaire de la jeunesse de travailler cette acquisition du sens des responsabilités. Muriel Eglin

Le rôle de la prévention 

On peut constater que c'est la présence humaine à proximité des habitations et des écoles, la prise en charge des plus jeunes à la sortie de l'école, tous les dispositifs qui favorisent le maintien de la scolarité, tout ce qui permet aux jeunes des quartiers populaires, de participer à des activités sportives, culturelles, de rencontrer d'autres personnes, de sortir aussi de leur quartier, est positif et permet de réduire l'emprise extrêmement forte que peut avoir la bande sur eux. Muriel Eglin

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