Syrie : la fin de la marginalisation ?

Portrait de Bachar el-Assad en 2021, juste après sa réélection.
Portrait de Bachar el-Assad en 2021, juste après sa réélection. ©AFP - LOUAI BESHARA
Portrait de Bachar el-Assad en 2021, juste après sa réélection. ©AFP - LOUAI BESHARA
Portrait de Bachar el-Assad en 2021, juste après sa réélection. ©AFP - LOUAI BESHARA
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Le président syrien Bachar el-Assad participera au sommet de la Ligue arabe vendredi 19 mai, après 13 ans d'absence. Après une longue période de marginalisation, cette participation signe-t-elle le retour de la Syrie sur la scène régionale ?

Avec
  • Salam Kawakibi Chercheur, directeur du CAREP (Centre arabe de recherches et d’études politiques).
  • Leïla Vignal Géographe, professeure et directrice du département de géographie à l'École normale supérieure (ENS), spécialiste de la Syrie et du Moyen-Orient, coordinatrice du Pôle Europe, Think-Tank Terra Nova

Le retour de la Syrie dans la Ligue arabe

Salam Kawikibi revient sur la réintégration de la Syrie dans la Ligue arabe : "Les régimes qui se ressemblent se retrouvent enfin. Les régimes qui accueillent Assad ne sont pas très différents de lui, ils sont aussi acharnés contre leurs populations. Ils ont tué avec des tronçonneuses leurs journalistes dans le cas de l'Arabie Saoudite, ils ont maté des soulèvements populaires pacifiques comme en Algérie, ils ont plus de 60 000 prisonniers politiques comme l'Egypte, ils financent toutes les contre-révolutions arabes... Donc Assad se retrouve dans un milieu très amical, très réceptif de ses pensées. Son écartement n'était pas basé sur des principes, des valeurs, des droits de l'homme. C'était un écartement pour des différends personnels entre lui et certains leaders arabes. Et aussi une façon de montrer à ladite communauté internationale qu'on est contre la répression, pour une démocratie, et qu'on va faire le nécessaire."

Pour Leïla Vignal : "Les 22 pays de la Ligue arabe ne sont pas du tout homogènes. Il y a différents groupes qui se constitués au fil du temps, et effectivement il y a un groupe pro-normalisation qui finalement maintenant a remporté la mise suite à un processus enclenché depuis quelques années. Les pays qui s'opposent, dont le Qatar, ont finalement acté le fait de la majorité (...) Mais effectivement il y a un très grand cynisme qui apparaît avec cette réintégration d'une dictature qui rejoint un ensemble globalement composé d'états autoritaires."

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Une réintégration sous conditions ?

L'ambition de l'Arabie Saoudite est de contrôler la triple-question du terrorisme, des réfugiés et de la drogue sur le territoire syrien. Selon Leïla Vignal"dans les derniers mois il y a eu une forme de conditionnalité qui s'est dessinée. Pour les pays qui ont favorisé la réintégration, ces conditions pouvaient varier. Pour l'Arabie Saoudite et pour l'ensemble des pays arabes ce sont vraiment trois piliers importants. Le captagon, c'est plusieurs milliards de dollars, c'est vraiment la bouée de sauvetage économique du régime syrien, la Syrie étant un pays complètement ruiné. Et puis c'est aussi une carte de nuisance politique."

Se pose aussi la question du retour des réfugiés, comme le rappelle Salam Kawakibi : "Assad a dit : 'il est vrai qu'on a perdu 8 millions de réfugiés qui sont partis de la Syrie, c'est vrai qu'on a perdu 500 000 morts mais au moins nous avons une société homogène'. Ce qui rappelle1933. Donc il ne voudra jamais créer un déséquilibre au sein de cette homogénéité. D'autant que beaucoup de localités d'où venaient ces réfugiés n'existent plus sur la carte. Donc admettons que le régime donne des garanties, que les pays arabes financent leur retour : mais ils retourneront où ? Le régime a travaillé de manière systématique à changer la donne démographique. La population a été déplacée de manière méthodique."

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