Tchad : les incertitudes après la mort du président Idriss Déby avec Marielle Debos

 Idriss Déby Itno le 9 avril 2021, pendant la campagne électorale
 Idriss Déby Itno le 9 avril 2021, pendant la campagne électorale ©AFP - MARCO LONGARI
Idriss Déby Itno le 9 avril 2021, pendant la campagne électorale ©AFP - MARCO LONGARI
Idriss Déby Itno le 9 avril 2021, pendant la campagne électorale ©AFP - MARCO LONGARI
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Hier le porte-parole de l’armée tchadienne annonçait la mort du président Idriss Déby sur le front, instaurant dans la foulée un gouvernement militaire de transition pour 18 mois.

Avec
  • Marielle Debos Chercheuse à l'Institut des Sciences sociales du Politique et maître de conférences en sciences politiques à Paris-Nanterre. Autrice de "Le Métier des armes au Tchad", éditions Karthala

Lors d’une allocution TV, le porte-parole de l’armée a annoncé hier la mort du président tchadien Idriss Déby, des suites de blessures subies sur le front contre une colonne rebelle dans le nord du pays. À peine réélu président avec 79,32 % des voix pour un sixième mandat, l’annonce de son décès est un choc dans ce pays marqué par la pauvreté, la violence et la guerre contre le djihadisme. 

Fidèle allié de la France dans la lutte armée au Sahel, Idriss Déby était également dénoncé par ses opposants pour son gouvernement autoritaire, voire dictatorial. Quel avenir pour ce pays désormais dirigé par un gouvernement militaire de transition ? Le décès d’Idris Déby est-il l’occasion de remettre en question l’action militaire et la présence des forces françaises au Sahel ? 

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Pour décrire la situation actuelle au Tchad, nous recevons Marielle Debos,  maîtresse de conférence à l’Université Paris Nanterre en sciences politique, auteure de « Le métier des armes au Tchad » Karthala,  2013.

Le rôle du Tchad dans la Françafrique

Les circonstances de la mort d'Idriss Déby sont encore inconnues, mais ce qui est sûr, c'est que le Président se battait contre le Front pour l’Alternace et la Concorde au Tchad (Fact), un rassemblement de factions rebelles, parti de Libye le jour de l’élection présidentielle le 11 avril dernier.

Marielle Debos rappelle que le maréchal Idriss Déby est arrivé au pouvoir en 1990 grâce à l'armée et c'est aussi en combattant qu'il est mort. Au Tchad, l'armée tchadienne occupe toute la place politique mais les forces militaires françaises sont également très présentes. 

Déby était au pouvoir depuis plus de 30 ans. Les différents gouvernements qui se sont suivis au Tchad ont été soutenus par les Français que ce soit Idriss Déby ou son prédécesseur Hissène Habré.

Le Tchad est le pays avec le plus grand nombre d’interventions militaires depuis 1960, la capitale N'Djamena est aussi le quartier général de Barkhane. L’opération Epervier, qui était en place  avant Barkhane, y était aussi installée depuis 1986. Depuis l’indépendance du pays, l’armée française n’a jamais vraiment quitté le territoire tchadien. 

On peut aussi penser que le rôle qui a été attribué au Tchad dans la guerre contre le terrorisme est aussi une partie du problème. En faisant du Tchad un partenaire clé des occidentaux dans la guerre contre le terrorisme, ça a donné la liberté à Idriss Déby d’avoir une politique répressive sans alternative possible. 

Les observateurs internationaux ont souvent alerté car l’armée tchadienne est aussi connue par les populations pour le non-respect des droits humains et les exactions contre les civils. Elle a été construite médiatiquement avec la lutte contre le terrorisme mais elle était aussi une partie du problème des violences.

Un coup d'État trente ans après ? 

À l'annonce de la mort d'Idriss Déby, le porte-parole de l'armée à annoncer la mise en place d'un gouvernement militaire de transition pendant 18 ans et qui sera dirigé par le fils d'Idriss Déby, Mahamat Idriss Déby Itno.

C’est un coup d’État, car selon la Constitution du Tchad c’est le président de l’Assemblée qui prend le pouvoir en cas de vacances du président.

Idriss Déby avait préparé sa succession, son fils a combattu au Mali et ailleurs. On reste dans la trajectoire historique d’un État militarisé où les grandes difficultés des oppositions civiles ont beaucoup de difficultés pour s’imposer dans le pays. On a d’un côté un gouvernement militaire de transition et de l’autre des groupes rebelles qui mènent le combat. 

Hier les Français ont réagi en prenant acte du gouvernement de transition, mais pas du non-respect de la Constitution, ce que les Américains ont fait.

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