Vendredi noir : vertus de la consommation et consommation vertueuse avec Pierre Singaravélou et Daniel Cohen

Passants observant les vitrines des grands magasins parisiens
Passants observant les vitrines des grands magasins parisiens ©AFP - GEOFFROY VAN DER HASSELT
Passants observant les vitrines des grands magasins parisiens ©AFP - GEOFFROY VAN DER HASSELT
Passants observant les vitrines des grands magasins parisiens ©AFP - GEOFFROY VAN DER HASSELT
Publicité

Raillé par les uns, espéré par les autres : c’est aujourd'hui le black friday. Que racontent les circuits de mondialisation des objets de notre histoire ? D’où viennent les objets du quotidien ? La consommation peut-elle nous sauver de la crise économique ?

Avec
  • Daniel Cohen Économiste et directeur du département d'économie de l'École normale supérieure, Président de l'École d'économie de Paris
  • Pierre Singaravélou Historien spécialiste des empires coloniaux et de la mondialisation, professeur au King's College de Londres et à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne.

Alors que le gouvernement a demandé le décalage d'une semaine du "vendredi noir" français pour rouvrir les commerces en évitant la cohue, une question se pose : la consommation peut-elle nous éviter une crise économique ? Du XVIIIè siècle à aujourd'hui, comment ont évolué les systèmes marchands ? Que racontent nos objets du quotidien de l’histoire globale ? 

Pour en parler, les invités de Guillaume Erner sont Pierre Singaravélou, “British Academy Global Professor” au King’s College de Londres, professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Il est auteur de Le Magasin du Monde. La mondialisation par les objets du XVIIIe siècle à nos jours (avec S. Venayre), Fayard, 2020. Il sera rejoint en seconde partie par Daniel Cohen, économiste, il dirige  le département d’économie de l’École normale supérieure (ENS),  directeur du Centre pour la recherche économique et ses applications (CEPREMAP). Il est auteur de “Il faut dire que les temps ont changé, chronique (fiévreuse) d’une mutation qui inquiète”, Éditions Albin Michel.

Publicité

L'origine du black friday

C'est une expression qui a une origine un peu obscure. La seule chose qui est certaine, c'est que cela vient des États-Unis. C'est le jour qui se situe au lendemain d'une grande fête américaine, la fête de Thanksgiving. Il y a plusieurs hypothèses pour expliquer l'origine de cette formule. 

La première proviendrait de l'année 1869, où il y eu un crash boursier sur le cours de l'or qui aurait suscité un grand nombre de faillites : un vendredi noir. 

La deuxième hypothèse, plus probable, prendrait son origine dans la manière dont les commerçants états-uniens, au 19e puis au début du 20ème siècle, écrivaient en rouge les pertes sur leurs cahiers de comptes et en noir, les bénéfices. Il se trouve que le lendemain de la fête de Thanksgiving, les commerçants en général faisaient beaucoup de profits. 

La dernière hypothèse viendrait des policiers de la ville de Philadelphie qui auraient popularisé cette expression de Black Friday à partir des années 1950. Le lendemain de Thanksgiving, à Philadelphie, se retrouvaient des foules de personnes habitant dans la région pour assister notamment aux matchs de football. C'était le jour le plus difficile à gérer pour les policiers qui, l'ont surnommé le Black Friday. 

Une introduction tardive en Europe

Le Black Friday est introduit en Europe très récemment. Ça a commencé par le Royaume-Uni, en 2010. Ça fait à peine dix ans et c'est Amazon, la plateforme de vente en ligne, qui a introduit officiellement cette nouvelle tradition commerciale en Europe. En réalité, aujourd'hui, seuls quelques pays ont promu cette formule. Cela existe au Mexique, en Inde, au Brésil, en Roumanie, en Allemagne, dans très peu de pays dans le monde en réalité. Ce qui est intéressant, c'est que chaque pays réinvente sa tradition.  

L'apparition de nouveaux objets qui signent le consumérisme et la mondialisation : le Caddie

L'entreprise Caddie qui est une entreprise alsacienne qui dans les années 1950 introduit le chariot de supermarché en France. Cet objet est l'un des symboles de la société de consommation, voire d'hyper consommation, qui est la nôtre dans la deuxième moitié du 20ème siècle et au début du 21ème siècle. C'est une invention récente puisque, en fait, jusqu'au début des années 1950 en Europe, ce qui prévaut, c'est la vente au comptoir.  

La remise en cause de la mondialisation avec la pandémie, vraiment ?

Une limite systémique a été atteinte. Auparavant, le commerce mondial croissait deux fois plus vite que le PIB mondial. Il va désormais croître plutôt moins vite que le PIB mondial. Ça ne va pas s'effondrer et ce n'est pas un retour à l'autarcie, bien sûr que non. Mais le dynamisme de la mondialisation est cassé par les chocs globaux. Daniel Cohen

L'avènement de la société de service ?

Quand on regarde la consommation des ménages, elle est de moins en moins sur les produits industriels. Il suffit de regarder généralement la place de l'industrie, elle est de plus en plus dans les services, c'est à dire que les achats de téléviseurs, de machines à laver ne représentent absolument plus rien de la consommation des ménages aujourd'hui. On est dans une société de services. Quand on parle de consommation et du besoin de frugalité de réduire l'empreinte carbone, on parle surtout d'une consommation de produits industriels qui est en pleine rétraction. Daniel Cohen

L'équipe