"Un génie infiniment moderne" : Blaise Pascal, par Frédéric Says

Savant, précurseur et devancier : tel fut le philosophe et mathématicien Blaise Pascal (1623-1662)
Savant, précurseur et devancier : tel fut le philosophe et mathématicien Blaise Pascal (1623-1662) ©Getty - H. Meyer / The Print Collector
Savant, précurseur et devancier : tel fut le philosophe et mathématicien Blaise Pascal (1623-1662) ©Getty - H. Meyer / The Print Collector
Savant, précurseur et devancier : tel fut le philosophe et mathématicien Blaise Pascal (1623-1662) ©Getty - H. Meyer / The Print Collector
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Faire entrer Blaise Pascal au Panthéon pour honorer un philosophe précurseur, un génie moderne, et à travers lui le goût pour la science, le progrès et la découverte : tel est le choix de Frédéric Says, journaliste politique au sein de la rédaction de France Culture, et auteur du Billet politique.

Saviez-vous que Blaise Pascal (1623-1662) a inventé la première machine à calculer ?  Nous sommes en 1642, c'est un jeune homme de 18 ans, surdoué, qui imagine cet instrument. Avec ses pignons miniaturisés, on peut réaliser des additions, soustractions ; des opérations, pour la première fois de manière mécanique.  D'ailleurs, cette machine, on l’appellera plus tard la « Pascaline ».  Cela pour vous dire l'étendue du génie pascalien.

On connaît Blaise Pascal pour ses Pensées, son questionnement philosophique, le pari pascalien. Mais à côté de cela, il y a aussi ce goût pour la science, pour le progrès, pour la découverte. Pour ce qu'on pourrait appeler, avec anachronisme, l'innovation. A la fin de sa vie, qui fut courte - moins de quarante ans - Pascal concevait encore un projet de transport en commun à Paris.  Idée révolutionnaire au XVIIe siècle : des carrosses qui circulent sur des itinéraires pré-établis, avec des horaires fixes et un prix forfaitaire.  Il y a là en germe la notion d'espace public, comme me le disait récemment Pierre Guénancia, professeur d'histoire de la philosophie moderne. C'est sans doute une idée un peu trop neuve à l'époque. Il faudra attendre un siècle et demi de plus, en France, avant de voir le développement des omnibus.

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Un esprit puissant, un philosophe infiniment moderne

Blaise Pascal fut aussi l'inventeur d'objets manuels et de concepts philosophiques, dans les deux cas avec une grande avance sur ses contemporains ; cet alliage est finalement très rare. C'est d'ailleurs avec cet esprit qu'il ose remettre en question les lois de la physique telles qu'on les enseigne depuis Aristote.  Par exemple que "la nature a horreur du vide". Notre philosophe, né à Clermont-Ferrand en 1623, démontre le contraire. Il prouve l'existence de la pression atmosphérique.

Il ausculte le ciel dans sa dimension physique, donc, et dans sa dimension mystique.  Il débat, argumente, décrit l'insignifiance de la condition humaine, mais la dignité de l'humanité à comprendre cette insignifiance. Tourmenté par des problèmes de santé, mais aussi par les querelles de l'époque entre les jansénistes et les jésuites, Pascal ausculte son propre rapport à Dieu. A tel point que le pape François a récemment suggéré de le béatifier. Cet "effrayant génie", comme l'appelle Chateaubriand, est infiniment moderne.

Sa réflexion sur le divertissement, qui est vu comme un paravent à l'angoisse existentielle, cette réflexion n'a rien perdu de son actualité ; il suffit de regarder la TNT certains soirs.  Pascal est souvent cité dans le débat public : Michel Houellebecq le convoque une dizaine de fois dans son dernier roman. Les formules pascaliennes sur le "roseau pensant", ou bien le "cœur a ses raisons" ou encore "le moi haïssable" font le bonheur des essayistes, qui les reprennent, et le malheur des spécialistes, qui les comprennent. Laurent Thirouin, professeur de littérature, fin connaisseur de Pascal, me confiait que ces citations sont souvent employées à rebours de leur sens originel.

Plume savante et plume saillante, précurseur et devancier, Pascal fit donc honneur à la fois à la science, à l'écriture et à la philosophie. Autant de bonnes raisons de lui ouvrir le Panthéon.

Frédéric Says est journaliste au service politique de la rédaction de France Culture, et auteur du Billet politique.

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