Que va-t-on faire des dettes qui vont s’accumulant "Quoi qu’il en coûte" ? Annuler ? Laisser rouler ? Rembourser ? Le débat est vif entre les économistes, qui se rejoignent sur un point : il n’y a pas d’argent magique, il n’y a que des choix politiques. Revue des idées des deux camps les plus opposés.
Il n’y a pas d’argent magique ! disait notre Président lors d’une rencontre avec des aides soignantes en avril 2018. Cet extrait, on l’a beaucoup entendu.
Argent magique, c’est même devenu un mot clé depuis que des milliards sont promis pour sortir de la crise causée par la pandémie de Covid-19.
A lire : Le Quoi qu’il en coûte en 6 questions
Argent magique, c’est aussi devenu une insulte dans le débat monétaire qui divise sur les réseaux et par tribunes interposées, responsables politiques et économistes de tous bords. Ici, ici, ici, ici, et encore ici. Et ici.
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Ce débat nous concerne tous et toutes. Il peut se résumer ainsi. Qu’allons-nous faire des dettes, qui vont s’ajouter aux montagnes de dettes que nous avions avant la crise ?
- Les faire financer par la BCE, puis les rembourser mais plus tard, ce n’est pas le moment d’en parler, répondent les partisans du statu quo.
- Les allonger indéfiniment, les transformer en dettes perpétuelles, suggèrent les partisans du camp du milieu.
- Les annuler, en tout cas pour la partie que détient la banque centrale européenne, soit 2200 milliards d’euros, proposent les partisans de la rupture.
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Ce sont eux qui ont été accusé de mystification, et de tour de magie monétaire, ce qu’ils ont très mal pris. Le gouverneur de la Banque de France, qui prône le statu quo, a écrit cette semaine qu’il fallait je cite " dénouer le mythe de la monnaie magique". Façon habile d’assimiler ses contradicteurs à des bonimenteurs aussi peu crédibles que ceux qui proposaient jadis de transformer le plomb en or.
L’annulation de dette signifierait le financement monétaire des déficits, dont l'interdiction est un pilier fondateur de l'accord de création de l'euro. Plus encore, il convient de dénouer ce mythe de monnaie magique. Il n’y a pas de « déjeuner gratuit ». François Villeroy De Galhau, Gouverneur de la banque de France.
Annuler une partie de notre dette, ce serait donc ni faisable juridiquement, ni utile, et ce serait dangereux. Je ne vais pas ici démêler le vrai du faux, car il n’y a pas de vérité , mais des conceptions divergentes du rôle de la monnaie et de l’institution qui la gère, c’est-à-dire la banque centrale.
L’argent n’est pas magique, mais il est très facile à créer, et quasi gratuit en ce moment. Il est surtout un mystère pour la plupart des gens qui l’utilisent quotidiennement. Profitons de ce débat pour répondre à quelques questions basiques, vous êtes prêt.es… c’est parti pour un tour !
Argent magique : le point godwin du débat monétaire
Première question : Si la BCE tire un trait sur les 2200 milliards de dette publique européenne qu’elle a acheté depuis 2015, que se passera-t-il ?
Ça ne lèse qu’elle-même disent les partisans de cette solution, qui précisent bien dans leur tribune parue cette semaine qu’il n’est pas question d’annuler la dette détenue "par les banques, les assurances ou les fonds de pension car cela déstabiliserait le système financier et appauvrirait les épargnants".
Si la banque centrale annule une créance qu’elle détient, aucun fardeau n’est transféré sur quiconque puisque son passif n’est exigible par personne (ce qui n’est évidemment pas le cas d’une banque commerciale). Il n’y a pas ici de « mystification » ou de « tour de magie monétaire », seulement une réalité monétaire et comptable qu’aucun spécialiste ne conteste. Tribune parue dans le Monde le 26 mai 2020.
Si elle fait cela, la Banque Centrale Européenne n’aura plus de réserve, s’inquiètent les partisans du statu-quo, ses fonds propres seront négatifs. Est-ce grave pour une banque centrale d’avoir des fonds propres négatifs ? Le débat est extrêmement technique, mais il peut se résumer à cette question simple : une banque centrale peut-elle faire faillite ?
Là encore, les avis divergent, mais des économistes de la BCE ont donné leur avis dans un " occasional paper" en 2016, par ces termes très clairs :
Les banques centrales sont protégées de l’insolvabilité en raison de leur capacité à créer de l’argent et peuvent donc fonctionner avec des fonds propres négatifs ». Central banks are protected from insolvency due to their ability to create money and can therefore operate with negative equity.
Deuxième question : quel serait l’effet de cette annulation de dette ? Attention inflation, disent les partisans du statu quo. Tant mieux, disent les partisans de la rupture, justement, c’est la déflation qui menace si on ne fait rien, et que l’austérité succède au "quoi qu’il en coûte". Là encore, je ne départagerai pas les deux camps; chacun a ses modèles, ses références historiques, ses hypothèses sur l’avenir.
Troisième question : annuler une partie de la dette, est-ce que ça vaut vraiment le risque ? Non disent les partisans du statu quo, car les intérêts que nous payons à la BCE sont très faibles, et en plus, elle nous les rend, ce qui est vrai. On y gagnerait en désendettement, mais pas en ressources directement mobilisables. Ça ne vaut pas la peine.
C’est là, qu’il faut revenir à la crise de 2008, pour comprendre le principal argument des partisans de l’annulation. En 2008 aussi on a fait de grandes dépenses, et deux ans après, les politiques d’austérité ont remplacé les politiques de relance, au nom du désendettement. Pas plus de 60% de dette par rapport au PIB, dit le Pacte budgétaire européen. Pandémie oblige on l’a fait sauter, mais pour combien de temps ?
La dette de la zone euro va passer de 86% du PIB à 103% d’ici la fin de l’année. La Banque centrale européenne s’en inquiète elle-même déjà dans le rapport sur la stabilité financière qu’elle a publié cette semaine.
Après le coma, et les soins intensifs, viendra la phase de réveil, et possible que l’on passe du "Quoi qu’il en coûte" à "Il est temps de rembourser". L’austérité n’est pas seulement un risque, elle va être anticipée par les agents économiques, prédisent les économistes et haut fonctionnaire du camp de la rupture.
Après le "Quoi qu'il en coûte", le retour de l'austérité ?
En annulant une partie de nos dettes, on donne confiance aux agents économiques (entrepreneurs, consommateurs, et bien sur l’Etat) qui repartiront d’un pied plus léger. Il sera même, supposent-ils, possible de s’endetter à nouveau, et donc de financer tout ce qui a cruellement besoin de l’être : les services publics, mais aussi la transition écologique, qui nécessite de financer la reconversion de millions d’emplois et la rénovation de millions de bâtiments.
Mais annuler une partie de la dette pour se ré-endetter à nouveau, à quoi bon ? Ne vaudrait-il pas mieux changer la règle des 60% et espérer que les agences de notations et les marchés financiers s'habitueront à des ratios DETTE/PIB plus élevés ? C'est l'espoir implicite des partisans du statu quo (ou de l'aménagement pour une dette perpétuelle).
Pour le moment, aucun pays, aucun dirigeant n’a l’air partant pour cette option. Mais les partisans du statu-quo ne sont pas plus tranquilles. Car il y a aussi un risque juridique à ne rien changer. Aujourd’hui, la BCE contourne les traités par ses achats de dettes publiques, elle a l’aval de la cour de justice de l’union européenne, mais son dernier plan d’achat spécial pandémie va plus loin que les précédents, et les juges allemands de la Cour de Karlsruhe auront plus d’arguments à faire valoir. C’est un risque juridique à long terme, mais il bien présent, et ça même les partisans du statu-quo en ont conscience.
A lire /écouter : Cour de Karlsruhe contre BCE : un combat politique plus que monétaire
Ce qui rassemble les deux camps, c’est qu’ils cherchent, pas leurs positions bien que divergentes, à sauver la zone euro des précipices qui l’attendent.
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Ce qui les rassemble aussi, c’est leur conviction que rien n’arrivera par magie. Leurs vifs échangent le prouvent. Qu’on annule une partie des dettes ou qu’on cherche à les rembourser, ça ne se fera pas d’un coup de baguette magique.
Il est heureux que ceux et celles qui s’y connaissent dans ce sujet en débattent, proposent, argumentent, mais il serait souhaitable qu’ils n’utilisent pas des arguments d’autorités ou de faciles formules politiciennes pour se discréditer.
Dire qu’on ne peut pas changer les traités qui déterminent la politique monétaire, c’est acter qu’il n’y a plus de choix politiques possibles sur la monnaie, ça n’aide pas le sentiment anti-euro à décliner.
Dire qu’il n’y a pas d’argent magique, c’est une façon commode de dire qu’on a d’autres priorités. Quand Emmanuel Macron a utilisé cette formule il y a deux ans, l’hôpital n’était pas sa priorité. Il n’est d’ailleurs pas le premier à l’avoir utilisé. En 2017, Theresa May avait lors d’un débat à la BBC expliqué qu’il n’y avait pas d’arbre à argent magique, que l’on pourrait secouer pour soulager tous ceux qui en ont besoin.
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Ce qui est frappant, c’est que l’ex dirigeante britannique avait aussi employé cette image en réponse à une infirmière qui demandait plus d’argent pour le NHS, le système de soin national. Ici l'extrait en longueur suivi d'une vidéo contre l'évasion fiscale.
Il n’y a pas d’argent magique, il n’y a que des choix politiques. La monnaie, ses circuits, et ses institutions n’ont pas à être exclus de ces choix, ce que vient utilement rappeler le débat monétaire actuel.
Moins de mystère sur l’argent, moins de magistère, ce pourrait être le début d'un nouveau voyage politique et qui sait d’une nouvelle ère pour la zone euro.
Ici la vidéo dont est extraite la musique de la bulle économique parlée !
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