

Alors que la dette publique va bientôt dépasser les 3 000 milliards d'euros, le ministre des Finances alerte sur la hausse des taux d'intérêt qui renchérissent son coût. Solution ? Une énième réflexion sur les dépenses publiques à réduire, et des Assises. Encore une illusion ?
"Il y a en France une ivresse de la dépense publique. Comme si la dépense publique réglait tout problème, enjolivait la réalité. Cette ivresse est une illusion", affirmait Bruno Le Maire, ministre de l'Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique, lors de ses vœux aux acteurs économiques le 5 janvier 2023.
Une illusion qui pèse lourd, puisque bientôt la dette publique, c'est-à-dire dette de l'État, des collectivités et de la Sécurité sociale, dépassera les 3 000 milliards d'euros.
Quand Bruno Le Maire est arrivé à Bercy, on était à 2 271 milliards, cela fait donc 700 milliards de plus en 5 ans. Mieux que les cinq années de Nicolas Sarkozy : 633 milliards. Moins que les 400 milliards du mandat de François Hollande, des années pourtant calmes, sans crise financière ni sanitaire. Comme vous le voyez dans le tableau ci-dessous, c'est largement l'État qui est le plus endetté.

Si la dépense publique est une illusion, y croire transcende clairement les clivages politiques.
Dépenser pour soutenir les entreprises confinées, les salariés au chômage partiel, les jeunes, financer la relance, la santé, la campagne de vaccination, ce fut le lot de ces deux dernières années, le fameux "quoi qu'il en coute", dont Bruno Le Maire répète depuis 18 mois qu'il est derrière nous.
"2023 ne marquera pas le retour du quoi qu'il en coute", promet le patron de Bercy lors de ses vœux, et au même moment, depuis le Palais de l'Elysée, le président de la République en présentant les siens aux boulangers, leur garantissait, ainsi qu'aux restaurateurs et aux artisans, le soutien de l'État pour leurs factures électriques.
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"Une liste non infinie" précisera le lendemain le porte parole du gouvernement, Olivier Véran sur BFM/RMC.
Pour l'avenir, on verra. Pour le passé, la réalité c'est que depuis que les prix de l'énergie s'envolent, les aides s'ajoutent aux aides, les boucliers aux amortisseurs, les chèques énergie s'étendent au fioul, au bois, aux granulés... et que la dépense publique n'en finit pas d'augmenter.
L'exécutif martèle qu'il cible ses aides, mais seule l'indemnité carburant pour tous et toutes a cessé début janvier ; les boucliers pour l'électricité et le gaz concernent aussi bien les ménages aisés que ceux dans le besoin, et ils sont sans limite.
Que l'on consomme beaucoup, ou très peu, le plafonnement des prix est le même, contrairement à ce que font d'autres pays européens qui n'aident plus au-delà d'une certaine consommation. Dans un rapport qu'il a rendu sur notre pays en novembre, le FMI conseille d'ailleurs à la France de réserver le bouclier tarifaire aux besoins énergétiques de base, et d'assainir ses finances au plus vite.
En résumé, la fin du "quoi qu'il en coute", et le ciblage des aides énergétiques, l'exécutif le souhaite et le projette à l'horizon, mais parler de réalisation est à ce stade, une autre illusion.
FIN du "quoi qu'il en coûte" MAIS multiplication des aides
Rétablir nos finances publiques, c'est le troisième défi que souhaite relever Bruno Le Maire, après la lutte contre l'inflation et la relocalisation industrielle. Car l'illusion qu'entretient l'ivresse de la dépense publique conduit tout droit à la gueule de bois, poursuit-il, gueule de bois qui se mesure à un taux.
"Les taux d'intérêt ont dépassé les 3% en France, c'est un signal d'alerte qu'il faut entendre comme le mal de tête de la gueule de bois au lendemain des réveillons". 3%, c'est le taux auquel la France place la dette de l'État à 10 ans sur les marchés financiers. Il y a un an, c'était 0,3%.
Jeudi 5 janvier justement, la France a emprunté 15 milliards d'euros à moyen long terme, comme elle le fait tous les premiers jeudi du mois, et à 10 ans, les taux que lui ont proposé les acheteurs pour ces OAT (OAT = Obligation Assimilable du Trésor), ont effectivement pu dépasser les 3%.

On sort d'une période anormale, de taux bas, voire négatifs. Entre 1998 et 2008, la France empruntait en moyenne à 4%, 3% ce n'est donc pas exceptionnel ni catastrophique. Mais cela veut dire, très concrètement, que la charge des intérêts de la dette va revenir au niveau où elle était auparavant, plutôt proche des 50 milliards que des 35 (en 2020) ou des 41 milliards (en 2021). Juste parce que le contexte macro-économique, et la politique monétaire ont radicalement changé depuis un an.

10 milliards à sortir en plus, sur un budget annuel, c'est colossal. Avec cet argent, on pourrait doubler le budget du ministère de la Justice quand on va chichement le faire passer de 9 à 11 milliards en 5 ans.
10 milliards, c'est si les taux ne montent pas, sinon ce sera plus. Et ce sera plus, si les marchés financiers perdent confiance dans la capacité de la France à assainir ses finances.
Comme vous le voyez sur le tableau ci-dessous, quand les taux augmentent d'un point (qu'on passe par exemple de 2% de taux d'intérêt à 3%) la charge de la dette - c'est-à-dire ce qu'on paie à nos prêteurs en intérêt - augmente et s'ajoute chaque année.

Le danger est réel, déjà là.
Voilà pourquoi, le ministre des Finances promet en ce début d'année de réduire les dépenses puisqu'il n'est pas question pour le gouvernement d'augmenter les impôts.
Mais quelles dépenses réduire ? Une fois de plus, une fois encore, une revue des dépenses va être menée a annoncé le ministre, et des Assises convoquées. "Ces revues permettront d’identifier les économies nécessaires au respect de notre trajectoire de finances publiques. Elles seront menées chaque année et leurs conclusions seront transmises au plus tard le 1er avril, afin de nourrir de manière anticipée les travaux parlementaires et budgétaires... Nous lancerons également en février 2023 des 'Assises des finances publiques', qui réuniront des économistes, des grands témoins internationaux, des représentants du monde économique, des parlementaires et des élus locaux". Une annonce de Bruno Le Maire, dans son discours aux acteurs économiques, le 5 janvier 2023.
"L'enjeu, c'est d'arriver à des résultats, pas de produire un nouveau rapport" explique Bercy. Des rapports sur ce sujet, il y en a déjà beaucoup sur la table. Il y a deux ans, une commission sur l'avenir des finances publiques avait produit le sien, suite à la crise du Covid.
Plus récemment, Bruno Le Maire a lui même demandé à plusieurs députés, dont Daniel Labaronne, de présenter des idées de réduction de dépense au moment de la discussion sur le Projet de Loi de Finance 2023.
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Si le but de ces Assises est de rassurer les marchés, il est également possible que ceux qui nous prêtent - les banques, les fonds d'investissement, de pension, les assurances etc... - finissent par se dire qu'à force de réfléchir aux voies et moyens de réduire ses dépenses, tout en les augmentant continuellement, la France ne soit surtout en train de les bercer eux aussi d'illusions.
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