La neige et ses 250 stations de ski sont l'or blanc de la France. C'est une activité risquée pas toujours bien gérée critique la Cour des Comptes, et menacée par le réchauffement climatique et ses concurrents.
Si vous revenez du ski ou que vous en partez, vous faites partie des 13% de Français qui ont les moyens de s'offrir ce moment vers les hauteurs.
Il y a deux semaines, je vous parlais de l'or vert, des forêts françaises, les massif français, et leur 250 stations de sports d'hiver sont l'or blanc de la France.
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Pour un euro dépensé en forfait, six euros supplémentaires sont dépensés en station, dans la location du matériel, les transports, les commerces, les bar, les cours de ski, le logement selon les calculs effectués par Domaines Skiables de France, qui représente les intérêts des stations françaises.
A qui profite le ski? A ceux qui skient, font du snow, du télé marques, ou autres activités de montagne, mais aussi à ceux qui vivent du ski, et qui sont au total (emplois indirects compris) 120 000 en France selon Domaine skiable de France.
Le ski profite aussi à l'aménagement des territoires de montagne, et aux mairies situées sur les massifs. Elles touchent une redevance sur le chiffre d'affaire des opérateurs qui installent et font tourner les équipements de leur stations.
Des opérateurs, il y en a 220 en tout. Tous très différents les uns des autres, car depuis un siècle que la pratique du ski a commencé, chaque station à son histoire. Parfois ce sont des régies, gérées par les mairies, parfois ce sont des opérateurs privés, dont les propriétaires sont des familles du coin, comme à Villars de Lans. Parfois ce sont aussi des géants du loisir, comme la Compagnie des Alpes, qui gère les plus grands domaines skiables en France et pèse un tiers du marché.
- pour une analyse détaillée du secteur, il y a ce rapport de Domaines Skiables de France
- pour une analyse historique du développement du ski en France, les liens entre les mairies et les opérateurs et les évolutions du cadre juridique, il y a ce mémoire (ancien mais très instructif)
Le ski peut rapporter de l'argent...
Pour la Compagnie des Alpes, le ski est une activité qui rapporte mais dans laquelle il faut en permanence investir. Le taux de marge de l'entreprise a dépassé les 30% en 2016, et elle a pu verser 9 millions d'euros de dividendes à ses actionnaires. Le plus gros de ces actionnaires étant la Caisse des dépôts et consignation, organe étatique, si vous skiez à Tignes, Méribel ou Val d'Isère, vous pouvez vous dire en achetant votre forfait que vous contribuez indirectement à financer les investissements de long terme en France.
Dans son dernier rapport annuel, la Cour des Comptes pointe la faiblesse des mairies face à ces opérateurs, notamment dans la perception de cette redevance. A Chamonix, malgré la rentabilité du domaine skiable, la mairie a touché moins de 6000 euros en 2015.
Les collectivités ne disposent pas de moyens adaptés pour prendre en charge la préparation, la négociation et le contrôle de contrats complexes face à des opérateurs de dimension nationale voire internationale. Rapport de la Cour des comptes 2018.
... mais c'est une économie risquée...
Le ski peut être une activité lucrative, mais ce peut être aussi un gouffre financier, car l'investissement est très important, et les revenus aléatoires.
Un nouveau télésiège peut couter plusieurs millions d'euros, or pour l'amortir, l'opérateur qui l'a installé ne peut compter que sur quelques mois dans l'année. Si la saison est bonne, tout va bien, si elle est mauvaise, ses calculs de rentabilité seront erronés.
Le réchauffement climatique et le moindre enneigement mettent de plus en plus de stations au défi d'être rentables, surtout les petites et les moyennes.
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Investir dans des canons à neige, diversifier leur offre de loisir, développer le VTT l'été... toutes les stations le font quasiment mais il y a des ratés, pointés aussi par la Cour des Comptes, notamment à Megève et Tignes. Elle dénonce aussi un manque de préparation.
Il est faux de dire que les mairies ne prennent pas assez en compte le réchauffement climatique. 60% de ce que nous touchons des opérateurs dans Villars de Lans est consacré à la diversification de nos activités. Nos soucis, ils viennent surtout de la baisse des dotations de l'Etat, la Cour des comptes aurait pu le signaler. Chantal Carlioz, maire de Villars de Lans.
... considérée comme un service public...
Autre problème de fond, la gouvernance. Les remontées mécaniques, en France, sont considérées comme un service public. C'est un cas unique au monde. Cela permet aux mairies situées sur les domaines de garder la main sur les projets des opérateurs. Le problème c'est le manque de flexibilité, car la délégation de service public (DSP) est censée durer 18 ans.
On voudrait prolonger un téléphérique qui relie la ville à la station d'Avoriaz. cela éviterait 3 kilomètres de routes, et 200 navettes par jour. Notre opérateur nous dit "OK, mais j'ai besoin que vous prolongiez ma délégation de service public pour que je puisse l'amortir". Or on n'a pas le droit de faire d'avenant. On est coincés. Gérard Berger, maire de Morzine.
Les opérateurs eux se disent coincés sur les tarifs des forfaits. Ils voudraient pouvoir faire varier les prix, en fonction de la demande comme pour les avions ou le train (ce qu'on appelle le "yield management"), mais ils n'ont pas le droit.
Or contrairement aux autres délégations de service public, comme l'eau ou les autoroutes, le skieur lui n'est pas un usager captif. Il peut arrêter le ski, ou skier en Suisse ou en Autriche.
D'ailleurs l'Autriche est passée devant la France pour le nombre de journée skieurs. Selon Domaine Skiables de France, La France n'est plus que troisième avec 51 millions de journée en 2017, les États-Unis faisant la course en tête avec 54 millions de journées.
Il n'y a pas encore péril en la demeure, "On a encore le temps d'être calme", m'a dit l'une des mes interlocutrice, mais il ne faudrait pas trop tarder à réfléchir à l'avenir de nos montagnes et que l’État se sente concerné plutôt que de laisser les communes et les inter communes se débrouiller avec un cadre juridique en partie obsolète.
A quand un grand dialogue au sommet?
Marie Viennot
... on finit avec la musique de la bulle parlée!
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